Grand froid, familles et mineurs dorment dehors : comment l’expliquer ?, s’interroge la RTBF

Le froid actuel complique encore la vie de celles et ceux qui n’ont pas de domicile fixe. Et parmi ces SDF qui doivent trouver un toit chaque soir et qui sont parfois contraints de passer la nuit dehors faute de places dans les centres d’accueil, il y a des mineurs d’âge. Comment expliquer cette situation alors que les familles et les jeunes sont prioritaires dans l’attribution des lits d’urgence ? Explications avec deux acteurs de terrain.

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“Notre intention est d’accueillir toutes les familles et les enfants qui se présentent sans en refuser, mais nous ne sommes jamais sûrs et certains d’y parvenir.” En une phrase, Christophe Thielens, porte-parole du Samu Social, résume bien la délicate situation de l’accueil d’urgence en région bruxelloise.

Distinguons d’emblée les SDF des personnes relevant de la protection internationale comme les demandeurs d’asile ou les mineurs non accompagnés. Eux dépendent d’autres structures, nous y reviendrons.

Le Samu Social, lui, s’adresse principalement aux sans-abri, parmi lesquels de nombreux sans papier. Sur les 1160 places disponibles pour les accueillir en région bruxelloise, près de la moitié des places (500) sont actuellement occupées par des familles sans logement. Et parmi ces 500 places, 330 sont des mineurs de moins de 18 ans. Ces personnes sont prioritaires et, comme l’explique Christophe Thielens, elles ne doivent pas solliciter quotidiennement le renouvellement de leur accueil : “Comme il fait froid, l’accueil de nuit se prolonge en fait 24 heures sur 24 pour les familles. Nous n’allons pas les mettre à la porte et leur demander de téléphoner pour solliciter une place la nuit suivante, comme c’est le cas pour les hommes. Du coup, il n’y a pas beaucoup de places qui se libèrent et comme nos deux centres d’accueil réservés aux familles sont quasi complets, il arrive que nous devions refuser de nouvelles familles. C’est arrivé par exemple le vendredi 5 janvier avec un refus d’une famille. Depuis lors, le plan grand froid a été activé et 55 places supplémentaires ont été ouvertes mais nous ne pouvons pas exclure qu’un nouveau refus survienne prochainement.”

Dans ce cas, les familles qui seraient refusées n’auraient d’autres choix que se tourner vers des connaissances, des familles d’accueillants bénévoles, des associations où l’hébergement est parfois payant, des squats ou en dernier recours, la rue.


A côté des SDF et des sans-papiers, c’est-à-dire les personnes déboutées à l’issue d’une procédure de demande d’asile, il existe une autre catégorie de personnes sollicitant un accueil, ce sont justement les demandeurs d’asile. Là aussi, la priorité est accordée par Fédasil aux femmes seules, aux familles et aux mineurs d’âge, contrairement aux hommes seuls qui passent en dernier et qui sont régulièrement refusés et livrés à eux-mêmes. Parmi ces mineurs d’âge, il y en a qui sont arrivés seuls en Belgique, on les surnomme communément “Ména” pour “mineur non accompagné”. Certains d’entre eux demandent l’asile, d’autres pas.

A priori, ceux qui demandent l’asile sont hébergés dans un centre d’accueil de Fédasil, mais ceux qui ne demandent pas l’asile ou qui ne sont pas dans les conditions requises se retrouvent régulièrement à la rue, alors même qu’ils pourraient être accueillis dans un centre Fedasil. Pourquoi ? Réponse d’Adrien Long, travailleur social à SOS Jeunes, une asbl qui aide ces jeunes en transit : “La plupart des Menas en transit que nous rencontrons viennent d’Erythrée, d’Ethiopie, du Soudan ou d’Afrique du nord, principalement Algérie ou Maroc. Ils sont souvent de passage chez nous, veulent gagner la Grande-Bretagne ou les pays du nord et n’ont pas l’intention de rester en Belgique. Et du coup, les centres Fédasil leur semblent inadaptés puisqu’on va vouloir leur apprendre le français et les préparer à un séjour chez nous avec des cours et des formations, ce qui ne correspond pas à leur projet.”

Autre raison qui démotive ces jeunes de rejoindre un centre Fédasil, les règles imposées dans ces centres : “Ils ont du mal avec les restrictions concernant internet ou les GSM, avec l’éloignement du centre-ville de Bruxelles et aussi avec les horaires où les sorties nocturnes sont interdites, alors que c’est justement durant la nuit qu’ils ont l’impression qu’ils ont des chances de trouver un moyen de locomotion pour traverser la Manche.”

Christophe Thielens complète la liste des réticences : “Il faut être honnête et reconnaître que pas mal de ces jeunes connaissent des assuétudes aux stupéfiants et qu’ils rechignent à se plier aux règles de non-consommation en vigueur dans les centres Fedasil.”

Des jeunes qui se retrouvent dans des squats ou dans la rue avec les risques que cela comporte.
L’idéal pour ces jeunes en transit est d’obtenir une place dans un centre d’accueil qui leur est spécialement dédié. C’est la solution que préconise SOS Jeunes, mais comme l’explique Adrien Long, les places sont limitées : “Nous recevons très régulièrement des demandes d’hébergement de mineurs qui sont en rue depuis déjà quelques jours avant d’arriver chez nous. Nous essayons alors d’activer le réseau associatif qui existe sur Bruxelles pour l’accueil des mineurs mais il est restreint. Il existe deux centres d’hébergements qui accueillent les mineurs non demandeurs d’asile, l’un géré par le Samu Social, l’autre par la Plate-forme citoyenne, leur personnel comprend la situation de ces jeunes, il y a même des médiateurs culturels qui parlent leur langue mais tous les deux sont très proches de la saturation. Et donc, ça nous arrive quotidiennement de devoir refuser l’hébergement à des jeunes qui souhaitent simplement un endroit sécurisé au chaud pour ne pas être dehors en rue.”

Quand aucun lit n’est disponible dans un centre d’accueil, il ne reste que la débrouille. Certains ont des connaissances qui peuvent les héberger temporairement mais la plupart sont seuls. “Pour ne pas se retrouver en rue, beaucoup de jeunes se tournent vers un réseau d’accueil beaucoup plus informel qui est celui des squats mais ce sont généralement des lieux avec de grands problèmes de sécurité et où les mineurs vivent de la violence physique et d’autres expériences traumatisantes avec des adultes. Il y a également la possibilité d’accueil dans des familles hébergeuses mais elles manquent parfois de qualification. Et puis, il reste le dernier recours, la rue avec ce que cela implique d’inconfort, d’insécurité et de risques. Pour le moment, la grande majorité des 500 jeunes que nous rencontrons par an ont déjà passé quelques nuits en rue avant d’arriver chez nous et certains, même après nous avoir rencontrés, continueront à passer du temps dehors.”

Or, le travailleur social de SOS Jeunes le rappelle, “la Belgique a l’obligation de prendre en charge tous les mineurs présents sur son territoire, peu importe leur situation administrative et peu importe s’ils effectuent ou pas des démarches de demande d’asile”. “Il faut constater que les centres dédiés aux Menas sont saturés ou inadaptés à leur profil, il y a donc un problème”, constate-t-il.

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