« Bruxelles numérique », l’ordonnance de la discorde

Faisant suite à la carte blanche publiée dans La Libre Belgique contre le projet « Bruxelles Numérique », les signataires (collectif d’associations et de professionnels bruxellois) s’organisent. Un rassemblement est prévu le mardi 6 décembre à 13h, Place de l’Albertine, à Bruxelles.

Par Adeline Thollot, CBCS asbl, 29/11/2022

Le mouvement de numérisation des services publics existe depuis le début des années 2000, comme le rappelle Périne Brotcorne, sociologue au CIRTES (centre interdisciplinaire de recherche Travail, État et Société). Cette impulsion des politiques européennes entend favoriser une Europe économique forte en misant sur le numérique. Cette dynamique de digital par défaut s’est accélérée dans les années 2010, à travers différents plans européens, notamment dans le secteur des services publics. « L’idée du digital par défaut est de dire que l’offre privilégiée pour interagir avec le citoyen pour qu’il réalise ses démarches va être numérique« , explique la sociologue dans une vidéo réalisée par le GSARA « La démocratie au défi de la numérisation des services publics ». Cela implique que les autres voies, non-numériques, via des guichets, des lignes téléphoniques ou des courriers, disparaissent.

Suite à la pandémie de Covid-19 : « La Belgique a mis en place des politiques volontaristes fortes pour donner un coup d’accélérateur à cette numérisation des services publics. De cette manière-là, les décideurs estiment que la digitalisation peut remplir la promesse d’augmenter l’offre de services et leur qualité en réduisant les dépenses« . Pour elle, rien de tel n’a été démontré et ces arguments se basent sur des présupposés idéologiques. Notamment le fait que le développement technologique serait autonome et inéluctable, mais surtout qu’il permettrait d’améliorer la société. Il ne faut pas confondre « progrès technique » et « progrès social ».

En réponse à la carte blanche, signée par un nombre important d’associations et de professionnels bruxellois, le ministre Bernard Clerfayt, à l’initiative du projet « Bruxelles Numérique », s’est adressé via son site internet aux signataires. Dans ce communiqué, il reprend d’ailleurs l’un des présupposés idéologiques expliqué par Périne Brotcorne : « Le numérique envahit nos vies, transforme nos modes de communication. S’y adapter est parfois difficile, mais il offre de grandes opportunités de simplification des démarches, de suppression de redondances administratives, d’automaticité des droits, de suppression des déplacements et de réduction des erreurs. On ne peut penser le futur de Bruxelles sans exploiter le numérique pour améliorer nos communications« .

Au-delà des raisons qui poussent à se tourner vers toujours plus de numérisation, ces politiques publiques ne tiennent pas compte d’une partie de la population. Le ministre bruxellois lui-même le reconnaît : « Il faut que ce développement n’accroisse pas la fracture numérique qui divise les membres de notre société […], nous ne sommes pas tous égaux face à cette transition« . Alors qu’il promet d’accompagner davantage les personnes qui ne maîtrisent pas l’outil technologique, les associations, elles, souhaitent une ordonnance qui garantit l’ouverture des guichets pour toutes et tous et demandent un large débat public sur la place du numérique dans la société. Si les services ne proposent pas de choix alternatifs aux démarches en ligne, les usagers n’ont plus d’autonomie administrative.

Appel à mobilisation

Face à ces constats, une rencontre entre le cabinet du ministre Clerfayt et une délégation des signataires de la carte blanche est prévue le 1er décembre.

En parallèle et à l’initiative des Habitant·es des Images, le Comité Humain du Numérique travaille également à l’écriture d’un Code du Numérique. La récolte de près de septante témoignages depuis 2021 leur a permis de dresser de nombreux constats qui parlent de problèmes bien réels. Du manque de matériel (ordinateur, connexion internet) au manque de compétences (savoir utiliser les outils), ces vécus, partagés dans un texte de loi, parlent de l’impossibilité de remplacer les humains par des machines. Le collectif appelle à imaginer ensemble une nouvelle réglementation du numérique afin de protéger les personnes vulnérables face au numérique (près de 40 % de la population, selon le baromètre de l’inclusion numérique de la Fondation Roi Baudouin, 2020).

Pour rejoindre leur prochaine rencontre et participer à l’écriture de ce deuxième livre concernant la santé et le numérique, le Grand Comité Humain se réunit le vendredi 9 décembre de 10h à 16h au CFS, rue de la Victoire 26, à Saint-Gilles. Il sera également possible à ce moment-là d’ajouter un témoignage, un vécu en lien avec la thématique.

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