En ce début du mois de mai 2024, quelques événements épinglés – projet de loi Frontex, projet de loi politique de retour, évacuation de femmes sans papier avec enfants – relatent à eux seuls le durcissement des politiques migratoires, tant belges qu’européennes. Sous couvert de créer un « appel d’air », le sens du mot « accueil » est tout simplement réduit à son contraire : le rejet. Associatif, personnes concernées et citoyens s’interrogent : au-delà de la régularisation, comment faire place ? Comment faire trace ?
Stéphanie Devlésaver, Adeline Thollot, édito, in newsletter du CBCS, 16/05/2024
2 mai 2024 – Nous en parlions dans la précédente newsletter du CBCS, le projet de loi renforçant le contrôle des migrant·es par l’agence Frontex a été voté à la Chambre. Des contrôles et des retours forcés de personnes en migration pourront désormais être effectués par des agent·es européen·nes de Frontex en Belgique.
Toujours le 2 mai, dans la foulée, le projet de loi sur la politique de retour proactive a également été approuvé par le Parlement. Si Médecins Sans Frontières et Médecins du Monde se réjouissent de la mesure positive qu’il contient, à savoir l’interdiction de détenir des enfants, les ONG’s sont extrêmement inquiètes par rapport à d’autres mesures, celle notamment d’ancrer dans la législation le principe d’un retour volontaire si possible, forcé si nécessaire, d’étranger·es, et de les soumettre à des examens médicaux éventuellement forcés. Ces examens médicaux forcés, effectués uniquement dans le cadre d’une procédure administrative d’expulsion, peuvent inclure l’utilisation de moyens de contention et de coercition tels que la force physique, les clés de bras et les menottes aux poignets et/ou aux pieds.
14 mai 2024 – 6h20 du matin : des forces de police forcent les portes de l’ancien hôtel Monty, à Woluwe-Saint-Lambert, pour y déloger une trentaine de femmes sans-papiers avec 10 enfants dont un nourrisson. Un rassemblement était prévu dès 8h pour tenter d’empêcher l’expulsion… La question a été réglée avant, “avec beaucoup d’intimidation”. peut-on lire sur le site de la rtbf. Les occupantes, transférées en car communal vers le centre d’accueil de transit fédéral Ariane, « n’ont pas été autorisées à prendre leurs affaires personnelles dans le car. Des ouvriers seront chargés de les récupérer dans un second temps pour les leur ramener”, précise Benoît Peeters, un citoyen en soutien au comité des femmes sans-papiers.
Ces quelques événements, uniquement épinglés en ce début du mois de mai, relatent à eux seuls le durcissement des politiques migratoires, tant belges qu’européennes. Sous couvert de créer un « appel d’air », le sens du mot « accueil » est tout simplement réduit à son contraire : le rejet. « Toutes les raisons données pour lutter contre les migrations reposent sur des éléments de langage erronés, populistes », rappellent avec force Nina Jacqmin et Hélène Crokart, avocates au barreau de Bruxelles au sein du cabinet ARADIA.
En avril, une après-midi de réflexion autour de la Revue Akène, « Migrations et mobilisations » était l’occasion de réfléchir à un avenir plus inclusif et équitable pour tous et toutes, en soutenant les droits fondamentaux des migrant·es. Au centre des débats : au-delà de la régularisation, comment faire place ? Comment faire trace ?… Parce que le « trop de bruit [celui des politiques et des médias] peut être silence », prévient Jacinthe Mazzocchetti (revue Akène, pp. 14-24), « il empêche de réfléchir, de poser les bonnes questions. Il noie la complexité des violences et des drames. Les images s’additionnent. Les naufrages se banalisent ». Elle insiste sur la création d’espaces hors du temps et sans contraintes de résultats où « on peut dire la mort pour rester vivant », où leurs récits, à travers la poésie, le conte, la scène, peuvent prendre place dans l’ordre du monde. Peuvent faire mémoire individuelle et collective.
Ne plus voir les personnes migrantes uniquement sous le prisme de victimes, mais aussi à travers leur capacité de résistance et d’action politique, voilà aussi ce que renvoie le projet Y EN A MARRE : « une manière de stabiliser nos savoirs, de permettre aux citoyens et citoyennes de connaitre nos luttes par d’autres biais que ce que la politique raconte de nous », résume le collectif la Voix des Sans Papier (VSP).
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