Depuis le Covid, l’usage du vélo semble suivre une courbe ascendante dans laquelle de plus en plus de monde se projette. Cet engouement pour la mobilité douce a toutefois un prix, non négligeable pour certains. Vélo Solidaire permet à des personnes, plus fragiles financièrement ou éloignées de ce type de mobilité, d’y avoir accès ! Focus sur ce projet qui allie inclusion et partage concret des ressources.
Par C. VDB, 27/09/2022
« Vous êtes officiellement devenus cyclistes, félicitations d’avoir fait ce choix ». En ce mois de septembre, Guy, Aimane et Salum, accompagnés de travailleurs sociaux, ne cachent pas leur bonheur de venir découvrir un vélo de seconde main reconditionné … pour eux ! En tout, ils sont une dizaine de personnes en situation de vulnérabilité à cet atelier Participatif de CyCLO, en plein centre de Bruxelles. Leurs raisons de se tourner vers le vélo sont multiples : « pour aller faire des tours », « pour mes courses au Colruyt », « pour reprendre un peu le sport », « pour bouger, quoi ! ». L’impatience de découvrir le deux-roues ajusté à leur taille est palpable. Avant la très attendue distribution, Audrey Renier, coordinatrice du projet, consacre quelques minutes de briefing à l’utilisation efficace du cadenas, des lumières et du gilet réfléchissant. « Il y a hélas beaucoup de vols à Bruxelles. Mais le cadenas, s’il est solide, en décourage plus d’un… ».
Un projet collectif né de la crise du Covid
Vélo Solidaire, a été initié fin 2020 par Bruxelles Mobilité et trois asbl associées: CyCLO, les Ateliers de la rue Voot et Provélo. Le point de départ : permettre l’accessibilité au vélo pour les personnes plus fragiles ou éloignées de ce moyen de mobilité. Vélo Solidaire se met en contact avec des associations qui travaillent avec ce public, récupère des vélos abandonnés dans l’espace public bruxellois ou donnés par des particuliers. Ensuite, les vélos sont remis en état et mis à disposition de personnes précaires dans le but de faciliter leur mobilité…douce. Parce que devenir cycliste ne se fait pas du jour au lendemain, Vélo Solidaire propose un parcours d’accompagnement avec, selon les besoins, des formations pour se mettre en selle, pour rouler dans le trafic et des bases en mécanique pour l’entretien.
Vélo Solidaire se donne pour objectif de distribuer environ 400 vélos par an à des personnes n’ayant pas de moyens de locomotion, vivant de quelques allocations et ressentant le besoin de bouger ou de retrouver un tissu social. Parmi celles ayant répondu à l’appel de ce mois de septembre: d’anciens sans-abris, d’autres personnes passées par de grandes périodes de fragilité, sorties d’institutions telles que soins psychiatriques ou prison, par exemple. D’autres distributions ont également eu lieu auprès de femmes privées d’accès au vélo dans leur pays d’origine.
Pour Steph et Julien, travailleurs sociaux à l’asbl Diogènes, « La proposition tombait vraiment à pic. Nous avions beaucoup d’usagers qui réclamaient des moyens pour se déplacer plus facilement ». «Ah oui », renchérit Salum, main posée sur le cadre de son vélo « Il y a des années, je roulais mais je l’ai vendu”, souffle t-il, nostalgique de cette époque où il avait fait “Bruxelles-Halle, aller-retour, 50 km sur la journée…»
De bons vélos d’occasion, pas trop chers, ne seraient-ils pas si simples à trouver ? « C’est même devenu très difficile » confient plusieurs personnes chez CyCLO. Durant la pandémie de Covid, l’engouement pour le vélo a généré une pénurie de deux roues et de pièces détachées. Mais selon Steph, ce qui joue aussi « c’est cette impression d’être « déclassés tout le temps”, les vécus et les parcours incroyablement compliqués vécus par ces personnes qu’ils accompagnent finissent par les « user ». Un vieux vélo de récup non réparé rencontre régulièrement des problèmes techniques. Face à cela, elles ne voient que les problèmes et… ça les bloque ! Avoir un vrai beau vélo, pour ces personnes, c’est important”. Julien, confirme la démarche : « Après les longs parcours qu’elles ont eus, pouvoir reprendre le vélo, reprendre soin de leur santé physique et amener “quelque chose” dans leur vie est primordial. »
D’expérience, il témoigne concernant l’achat d’un bon vélo d’occasion : « Ça tourne autour de 150, 250 euros, même si on n’est pas gourmand ». Pour les personnes qu’il aide, cela reste inaccessible. “C’est sortir 1/6eme de leurs allocations ! Rares sont les citoyens qui comprennent réellement la complexité de vivre avec si peu. Je trouve qu’à notre époque, peu importe la classe sociale, peu importent les enjeux financiers, chacun doit pouvoir faire librement des choix de mobilité comme ceux -là. »
Du leasing social et plus
Après une période d’utilisation d’une période d’un an, les propriétaires toujours convaincus de l’intérêt du vélo pourront définitivement l’acquérir pour la somme de de 25 euros. En moyenne, 75% des vélos mis à disposition sont rachetés par les participants.
Mais Vélo Solidaire va plus loin : pendant l’année de mise à disposition des vélos, le projet propose des rendez-vous plein air pour former les cyclistes. C’est Provélo qui s’en charge, la sécurité est de mise : code de la route, avantages des cyclistes, bonnes pratiques.
Valentine de Provélo aborde avec tact le sujet de la sécurité et demande « s’il y a des questions, des situations qui stressent ? »
Guy lance : « Oui, les gens qui roulent comme des fous ! ».
« Et la foule… Est-ce qu’on peut rouler quand il y a de la foule ? » demande Aimane.
« Dans ce cas, il faut rouler très lentement, avancer au même rythme que les piétons » précise Valentine. C’est ça la magie du vélo, prendre sa liberté, pouvoir se faufiler dans la circulation et avancer même très doucement parce qu’on n’est pas trop large. »
Vélo Solidaire collabore actuellement avec pas moins de 40 asbl d’aide aux personnes et mène actuellement une étude d’impact social du projet avec SAW-B.