Résidence services-sociale : faire lien entre les aînés et le quartier

Vieillissement de la population bruxelloise – les plus de 65 ans représentent 13% de la population bruxelloise –, précarité des aînés en hausse, pression immobilière, … A partir de ces différents constats et d’une diversité de besoins, trois acteurs social-santé – La Centrale de Service et Soins à Domicile, Bras dessus Bras dessous et Senior Montessori – proposent un guide et une réflexion autour de cette question : où et comment loger nos aînés d’aujourd’hui et de demain ?

Par Stéphanie Devlésaver, extraits de la matinée de réflexion du 31/01/2023 et guide : « Résidence-services sociale : étude de bonnes pratiques »

La Centrale de Service et Soins à Domicile, Bras dessus Bras dessous et Senior Montessori, trois acteurs du secteur social-santé actifs autour des enjeux de vieillissement [1] unissent leurs forces pour penser des nouveaux lieux de vie qui allient bien vieillir et habitat. Autrement dit, comment modéliser des lieux de vie non homogène ? Comment penser un nouveau type d’habitat entre la maison et la maison de repos ? L’idée est de proposer, parallèlement aux maisons de repos, d’autres solutions pour répondre à la diversité des demandes et des choix de vie des personnes âgées.

Pendant 12 mois, un large éventail d’acteurs a été consulté à travers des focus group, des entretiens, une enquête, des visites en centres de jour, dans des résidences-services non agréées, dans des habitats intergénérationnels, mais aussi auprès d’acteurs hors social-santé pour intégrer des aspects tels que la mobilité douce, l’alimentation, … Ainsi qu’un voyage en Suisse pour s’inspirer d’un modèle existant à l’étranger. Résultat : un guide, financé par la COCOM, voit le jour pour penser des « résidences-services sociales » globales et intégrées à partir de 27 bonnes pratiques innovantes réunies autour de 9 thématiques. A titre d’exemple, la thématique 2 : « se soigner » propose, comme pour chaque thématique, un lexique avec une description générale « comment la thématique est-elle traitée dans le cadre actuel ? » et les nouveaux besoins. Viennent ensuite les bonnes pratiques mises en évidence et les étapes pour les mettre en place. Enfin, des points d’attention, des exemples inspirants, de la documentation et des contacts sont épinglés. Le tout, pour penser et construire l’innovation sociale dans les lieux de vie pour seniors encore autonomes au profit des habitants, du personnel et du quartier.

Une résidence-services, c’est quoi ?

Mais pourquoi ce choix du modèle des résidences-services ? Pour rappel, une résidence-services est un lieu de vie agréé pour seniors en perte d’autonomie mais encore autonome et qui offre une série de services collectifs à la carte tels que la restauration, des activités communes et la gestion des tâches du quotidien par une équipe hôtelière. D’autres services comme l’aide à la personne peuvent être proposés par des prestataires externes. Comme le note Thibault Koten, coordinateur de l’étude et du guide, « ce cadre a le mérite d’exister, même s’il comporte aussi toute une série de freins, notamment dans l’imaginaire collectif : formule coûteuse [2], peu personnalisée, etc. ». Le concept de résidence-services sociale qui permet de donner accès aux publics plus précaires existe déjà en Wallonie, mais pas à Bruxelles. « S’il n’y a encore rien de structurel et donc pas de demande d’agrément possible à ce stade, la COCOM a investi 2,2 millions d’euros en 2021 et 2022 pour soutenir le développement des résidences-services sociales et les alternatives aux MRS », précise Tania Dekens, pour Iriscare. La volonté est de « développer des structures agréées comme résidences-services et mettre en œuvre une politique de prix accessibles, tout en proposant un projet de vie communautaire renforcé ».

C’est bien dans ce cadre que s’inscrit le guide : « La gouvernance des lieux communs a été travaillée, notamment sur les aspects de vie communautaire et de logiques intergénérationnelles », explique Thibault Koten, « et toutes les thématiques ont été pensées en lien les unes avec les autres, c’était impossible de les penser en silo », insiste-t-il. Enfin, « ces pistes ne sont bien entendu pas exhaustives, l’innovation étant un processus qui doit s’ancrer au sein de réalités, d’environnements spécifiques, uniques et complexes », résume le coordinateur de projets.

« S’il n’y a encore rien de structurel et donc pas de demande d’agrément possible à ce stade, la COCOM a investi 2,2 millions d’euros en 2021 et 2022 pour soutenir le développement des résidences-services sociales et les alternatives aux MRS »

Tania Dekens, Iriscare

Accessibilité sociale et financière & tisseur de liens

La matinée de réflexion était aussi l’occasion de découvrir le projet-pilote Tisseurs de liens, directement en lien avec le guide : [3] la CSD et ses partenaires travaillent à la création d’une résidence-services sociale comprenant 26 logements pour personnes âgées et 4 logements destinés à des familles et étudiants. Des espaces de vie communs sont prévus pour offrir des services et des activités, à la fois pour les résidents et pour les habitants du quartier. La résidence sera logée dans le grand bâtiment actuel de la CSD, situé dans le haut de Saint-Gilles. Au total, ce sont 2800 m2 répartis sur 5 étages. « L’idée est d’améliorer l’accessibilité sociale et financière [4], mais aussi la mixité sociale et l’ancrage dans le quartier sur base des bonnes pratiques tirées du guide », explique Stéphane Heymans, directeur général CSD. « Concrètement, on veut créer une fluidité entre le quartier et la résidence-services, amener une diversité de publics grâce à l’ouverture d’espaces communs tels qu’un restaurant social, un salon-lavoir disponibles pour les résidents et pour le quartier, mais aussi des équipements tels qu’une crèche, etc. ». La rénovation du bâtiment évaluée à 6 millions d’euros débutera à l’été 2024, une fois la consolidation du modèle économique et la recherche de partenaires privé/publics terminées, pour une ouverture prévue fin 2025.

Ce modèle est notamment inspiré de cet habitat évolutif pour seniors (HEPS) de l’Adret situé à Lancy, près de Genève, dont le directeur, M. Beausoleil, partageait certaines réflexions après deux ans de mise en place du projet :  » il est essentiel de penser l’architecture dès les débuts, notamment pour penser tous les espaces communs comme des facilitateurs de rencontre, pour prévoir une excellente isolation des lieux individuels et que chacun puisse se sentir chez soi,…. « . L’engagement d’une personne qui fait le lien entre les résidents et les habitants, le quartier est aussi un incontournable, selon lui. Mais aujourd’hui, la grande force du projet est de « retrouver, pour les résidents, une liberté de choix et de créer une entraide et un lien social, proche d’un esprit villageois« , se félicite-t-il. Les témoignages d’habitantes du projet Biloba et de sa quinzaine d’habitations sociales et solidaires, située à Schaerbeek cette fois, clôturait la matinée sur cette même idée : « On recrée un esprit de village, on se croise dans la cour, on mange ensemble ». « Ici, je suis encore vivante », concluait l’une des habitantes.

Le guide : extrait épinglé


« Dans l’état actuel des choses, les résidences-services sont apparentées à une clientèle disposant de ressources économiques importantes. (…) Pour parvenir à diminuer les coûts pour les bénéficiaires, plusieurs solutions peuvent être explorées. Tout d’abord, la forme juridique de la structure devra faire en sorte de limiter la lucrativité de la propriété de la résidence. On pense ici bien entendu aux résidences-services publiques (souvent rattachées à un CPAS ou à une MRS), ou à celles s’inscrivant dans des structures d’économie sociale (coopérative, fondation d’utilité publiques,…). (…) Il faudra également innover sur les différents assemblages juridiques et financiers : en pensant l’articulation entre la structure propriétaire et les organismes comme les AIS ; en implémentant en son sein d’autres partenariats publics-privés ; en comptant sur la complémentarité d’agréments comme celui de centre de jour ou d’initiative d’habitation protégée (I.H.P). À cet impératif d’accessibilité financière vient s’accoler une autre accessibilité : celle de pouvoir prendre en compte les besoins évolutifs des habitant.e.s en termes de soins et d’aides. C’est-à-dire de proposer, par l’articulation de services d’aide et de soins à domicile, de services sociaux informels et des services médicaux de MR/MRS de proximité, une offre élargie de services accessibles aux habitant·e·s fragiles mais autonomes de la résidence-services sociale. Ils/elles bénéficieront donc d’un ancrage continu à leur vécu et à qui ils/elles sont.

La composante sociale de ce nouveau modèle de résidence-services sociale passera donc aussi par un ancrage territorial fort au sein de son quartier, de ses synergies, de ses services, de ses commerces, mais aussi de son tissu associatif ainsi que de ses réseaux d’entraide et de soutien. La résidence-services sociale de demain sera donc un lieu ouvert et inclusif, revitalisant le brassage social et générationnel des territoires et des communes. Enfin, la résidence-services sociale de demain sera aussi un lieu ouvert aux défis de notre époque. Il n’y aucune raison que les problématiques de la transition (alimentation de qualité, mobilité durable, …) ou les besoins des aîné·e·s d’aujourd’hui (lutte contre la solitude, services adaptés et accessibles,…) et de demain (prise en compte des enjeux de multiculturalité, approches centrées sur la personne, …) ne soient pas abordés, discutés avec les premiers concernés. Les enjeux à prendre en compte pour rendre sociale une résidence-services sont nombreux, protéiformes et entrelacés, mais pourtant nécessaires pour replacer les aîné·e·s au centre de la cité ». (voir p.11-12)

Accès au guide.

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