L’IFA interpelle le Parlement Francophone Bruxellois

En novembre dernier l’Interfédération ambulatoire (IFA) [1], a rédigé une lettre ouverte pour demander aux décideurs politiques de prendre des mesures de soutien conséquentes pour les secteurs de l’aide aux personnes, de la santé et de la famille, au risque de ne plus être en mesure de rencontrer les besoins de la population. Ces fédérations parlent aujourd’hui d’une seule voix pour alerter, sensibiliser, dénoncer la situation à haut risque que vivent la grande majorité des services social – santé de terrain.

Extraits d’audition de représentants de l’IFA en Commission des Affaires sociales, de la Famille et de la Santé, le 31/01/2023

« Nous demandons aux décideurs politiques de prendre la pleine mesure de ce qui se passe à Bruxelles aujourd’hui. 415 000 personnes – soit 34% de la population bruxelloisevivent déjà sous le seuil de risque de pauvreté et un bon nombre ont sombré dans la misère. Ce chiffre donne le vertige. Les crises que nous traversons ont démontré l’importance de nos services qui assurent des missions d’intérêt général, de cohésion sociale et de santé publique. Par manque de moyens humains et financier, ces missions sont compromises. Les services ne peuvent plus répondre aux demandes alors même qu’elles sont en forte augmentation » alertait Alain Willaert, Coordinateur général du CBCS et représentant de l’IFA, à la Commission des Affaires sociales, de la Famille et de la Santé, mardi dernier.

« Comment la population peut-elle faire face, et particulièrement la population en situation socioéconomique précaire, lorsque la première ligne d’aide et de soin n’a d’autre solution que de restreindre son accessibilité par manque de moyens et de compétences disponibles ? La complexité des situations et les nombreux obstacles pour accéder à certains droits ou services mêmes fondamentaux pèse sur les travailleurs de terrain. A cela s’ajoute une situation financière et administrative des ASBL qui pèse au quotidien et décourage les équipes.

L’augmentation des salaires consécutive aux dépassements successifs de l’indice pivot, ainsi que la flambée du prix de l’énergie et des frais de fonctionnement ont d’importantes conséquences sur la gestion financière de toutes les associations, mettant beaucoup d’entre elles en danger, à court et moyen termes. En effet, les subventions forfaitaires récurrentes ne sont indexées qu’une seule fois l’an, les subventions dites « facultatives » ne le sont pas du tout et celles définies par le cadre du personnel ne le sont que trimestriellement.

Or, les subventions facultatives permettent souvent de renforcer un cadre de personnel structurellement insuffisant pour permettre aux associations de remplir leurs missions de base. La non-indexation de celles-ci signifie donc diminution du temps de travail et licenciements. »

Comme l’expliquait Julie Kesteloot, de la Fédération des Services Sociaux et Anne Defossez, du Centre d’Appui aux Services de Médiation de Dettes, les salaires constituent la plus grosse dépense du budget des asbls. Le non-marchand puise ses compléments de financement, notamment, via les aides à l’emploi (postes Maribel et ACS). La situation s’étant dégradée, les structures doivent compléter le coût des salaires de ces travailleurs, car l’écart se creuse et c’est à la structure de le compenser. Ce qui a constitué une solution pour certaines équipes devient aujourd’hui une épine dans le pied. A titre d’exemples, dans une asbl, comme dans beaucoup d’autres, on se demande « Comment trouver les 18.311€ manquant pour le salaire de la personne qui occupe le poste Maribel ?« . Pour une autre il s’agit de compléter les postes ACS, financés à 95% (différentiel entre la CP et le barème actiris). Avec l’inflation et l’indexation des salaires, pour 2 ETP, le surcout s’élève à 17.818€. Une intervention de la Cocof est prévue, via les accords du non-marchand, mais seulement à hauteur de 10.034,12€. Il reste donc 7.000€ environ à charge de l’asbl.

De plus, la promulgation des Arrêtés, et donc le paiement des montants de ces subventions facultatives annuelles, arrivent très tard dans l’année, forçant les associations, services et organismes à préfinancer de longs mois l’emploi et le fonctionnement.

Précarisation des emplois

Les initiatives annuelles, appels à projets précarisent les emplois et la pénibilité du travail de terrain dans les conditions actuelles rendent non seulement le recrutement (assistants sociaux, psychologues, infirmiers …) fort difficile, mais engendre le renoncement, le burn-out, la démission de professionnels de terrain, déstabilisant ainsi les équipes en place.

Comme l’explique un service social bruxellois témoignant de difficultés de financement : « S’il faut un exemple du côté d’une Fédération, nous sommes chaque année en grande difficulté de trésorerie. Notre subside récurrent lié à l’agrément ne couvre qu’une petite partie de nos activités, le reste est financé par des subsides facultatifs annuels. Mais comme ces subsides sont payés à l’automne (novembre en 2022 !), on doit se serrer la ceinture pendant les 10 premiers mois de l’année. On a dû licencier une collaboratrice en 2021, on réduit nos horaires et le CA doit prêter de l’argent privé pour qu’on puisse continuer à payer les salaires, puis on doit tout dépenser en catastrophe sur les deux derniers mois de l’année. Cette incertitude nuit à notre santé mentale et nous empêche de mener des actions pertinentes à moyen et encore moins à long terme ».

La pénibilité et précarisation de l’emploi a pour conséquence un turn over important. Cela alourdit exagérément la charge de travail administrative par des procédures répétitives et chronophages. A titre d’exemple, un service témoigne : « Un de nos centres a du renouveler 3 fois dans une même année son équipe. Un autre centre a vu ses deux collaboratrices démissionner dans l’espace d’un mois. L’ensemble des secteurs souffrent de grosses difficultés de recrutement. Nous avons perdu la personne engagée dans le cadre des renforts Covid. La prolongation a été confirmée tellement tardivement que nous n’avons pas pu lui assurer assez vite qu’elle serait réengagée. Elle a postulé ailleurs et a trouvé un autre emploi … ».

Le secteur craint une désagrégation de la première ligne d’aide et de soins que les seuls budgets actuels débloqués et la réforme en cours (PSSI) ne pourront endiguer.

L’enregistrement vidéo de cette audition est disponible en ligne sur la chaîne YouTube du Parlement francophone bruxellois.

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