Comment évaluer les politiques de cohésion sociale ?

Mardi 6 décembre avait lieu le colloque du Centre régional d’appui en cohésion sociale (CRAcs). Le CBAI y présentait son rapport annuel, une étude qui explore les possibilités offertes par la recherche scientifique pour mener un monitoring de la cohésion sociale. Quelle méthode choisir pour évaluer les effets de la politique sur les bénéficiaires ? Pourquoi évaluer ces politiques et comment donner du sens à cette évaluation ?

Par Adeline Thollot, CBCS asbl, 14/12/2022

A Bruxelles, la Cohésion sociale fait l’objet d’un décret de la COCOF, adopté en 2004 et revu en 2018. Dans les faits, la COCOF finance, dans le cadre des contrats de cohésion sociale institués par ce décret, pour près de neuf millions d’euros, plus de 200 associations qui développent des actions dans les domaines du soutien à la scolarité, de l’alphabétisation, de la citoyenneté interculturelle, du “vivre et faire ensemble”. Depuis 2006, le CBAI s’est vu confié par la COCOF le rôle de Centre Régional d’Appui à la Cohésion sociale (CRAcs) et est chargé d’évaluer le dispositif. À ce titre, l’équipe du CRAcs présentait la méthodologie choisie pour mener à bien ce monitoring.

Choisir une méthode et les bons indicateurs

La méthode qualitative est apparue comme particulièrement pertinente dans ce contexte d’évaluation. Si le quantitatif n’est pas à exclure dans la recherche en sciences sociales, avec le qualitatif, « ce qu’on perd en représentativité, on le gagne en profondeur », pour reprendre la formule de Christine Schaut, présidente du CBAI et sociologue. Au-delà du côté qualitatif, Fernanda Flacco, chargée de mission au CRAcs et sociologue, revenait sur la volonté de co-construire avec les acteurs de terrain, à travers une méthodologie participative. Les différentes structures ont donc été partie prenante de la recherche, à travers une auto-évaluation de leurs pratiques.

Vidéo tournée par le CBAI, avec la Maison de jeunes Camera Quartier

Evaluer la politique de cohésion sociale, une chimère ?

Cette demande d’évaluation provient du cabinet de la ministre en charge, Nawal Ben Hamou. L’administration du cabinet ayant, au préalable, balisé la recherche, l’un des défis pour l’équipe du CRAcs était de naviguer entre le décret de 2018 et ses axes prioritaires d’un côté et « coller » aux pratiques de terrain de l’autre. Malgré les efforts en ce sens, certaines associations présentes lors de la représentation ont pointé la difficulté d’exploiter les données dans les modèles pré-existants, parfois cadenassés et éloignés du terrain ainsi que l’aspect chronophage de la mise en place de cette évaluation. Pour Marta Marsili, coordinatrice de la Maison de Jeunes Le Bazar, à Saint-Gilles, un des obstacles majeurs de la démarche a été de faire émerger la parole des bénéficiaires concernés, mais aussi cerner l’objet à évaluer. Enfin, entre évaluation et contrôle, la frontière reste parfois floue pour les principaux et principales concernées et les structures qui les accompagnent…

Rappelons que le secteur repose beaucoup sur l’engagement de bénévoles, et ce, dans un contexte de crises et de désaffiliations. Et, le secteur de la cohésion sociale, à la croisée de plusieurs secteurs, est un pont vers d’autres dispositifs. Tous ces éléments font que, peut-être encore davantage que pour d’autres politiques, il n’est pas aisé de discerner les effets propres de cette politique sur les bénéficiaires en écartant l’impact que peuvent avoir d’autres politiques publiques.

Formuler des recommandations pour aller plus loin!

Fernanda Flacco a cependant rappelé l’importance de s’intéresser à l’impact de la politique de cohésion sociale pour, d’une part, donner de la visibilité au secteur et, d’autre part, pour explorer davantage cette zone grise, souvent laissée pour compte. Ce dispositif de monitoring permet de collecter des données de manière systématique à travers des indicateurs spécifiques afin de construire un espace des points de vue et d’apporter des recommandations concrètes aux politiques et aux acteurs de terrain. Il a été réalisé à partir de rencontres associatives et de méthodes participatives pour permettre de faire émerger la parole des bénéficiaires (débats mouvants, fresque participative, etc.) L’instrument du récit utilisé dans la recherche permet notamment un archivage de ce que les acteurs vivent sur le terrain. Les indicateurs choisis pour l’évaluation sont la capacitation (le « savoir-faire »), l’émancipation (dans le sens de la confiance en soi, dans le franchissement de frontières, par exemple : s’aventurer au-delà de son quartier) et l’engagement (la dimension collective). Ces trois indicateurs ont permis au CBAI de proposer 4 recommandations aux politiques responsables de la cohésion sociale :

  • Promouvoir un monitoring aux externalités positives (qui ne répond pas aux demandes des administrations et qui ne génère pas de surcharge pour les acteurs de terrain)

  • Outiller les équipes via une formation spécifique destinée aux opérateurs (à la demande du public)

  • Appuyer la mise en œuvre d’une enquête auprès du public de la cohésion sociale

  • Réfléchir à un processus de feedbacks concernant les rapports d’activités

Accès à la synthèse du rapport annuel du CRAcs 2022

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