Rapidement après sa mise en place par le Gouvernement fédéral, le Groupe d’Experts en charge de l’Exit Strategy (GEES) a énoncé un certain nombre de recommandations afin de limiter la crise sociale consécutive à la crise sanitaire. Très peu d’entre elles ont été prises en compte, avec les conséquences que nous connaissons aujourd’hui.
Raison pour laquelle le Conseil consultatif bruxellois francophone de la santé et de l’aide aux personnes, dans un avis d’initiative adopté à l’unanimité de ses membres, encourage le Gouvernement bruxellois francophone à appuyer auprès de l’Autorité fédérale la prise en considération desdites recommandations, et en particulier :
- Augmenter tous les minima sociaux au-dessus du seuil de pauvreté ;
- Augmenter les allocations familiales régionales pour les ménages dans le cadre du système d’allocations majorées (avec une attention particulière pour les groupes de personnes handicapées et les déficits financiers des étudiants qui travaillent) et prévoir des mesures spéciales d’aide, à côté des allocations familiales, vu les dépenses supplémentaires liées au confinement (aide à l’achat d’ordinateur, par exemple, pour que les enfants puissent suivre l’enseignement à distance, … ) ;
- Automatiser rapidement l’accès à toute une série de droits (revenu d’intégration, aide médicale urgente, tiers-payant, …), tout simplement car les gens précarisés, vu le confinement, ne peuvent se rendre physiquement dans les services ad hoc et ne possèdent pas toujours le matériel et les informations nécessaires pour soumettre leurs demandes par voie électronique. L’information et la communication constituent également des enjeux importants par rapport à l’accès et à l’effectivité de ces droits sociaux. Il est dès lors utile d’établir une communication accessible et compréhensible pour toutes et tous. Rendre les informations et les dispositifs plus lisibles et faciles à mobiliser nous semble indispensable ;
- Renforcer les services et transformer l’aide alimentaire, notamment en bons d’achat dans les magasins et toute autre dispositif, plus simples, plus accessibles pour ceux qui en ont besoin, et qui rendraient les gens plus autonomes aussi dans le choix de leur alimentation ;
- Assurer le report sans frais des prêts à la consommation ;
- Régulariser les personnes non en ordre de séjour sur le territoire, sur base de la loi actuelle, pour des raisons de santé publique, des raisons humanitaires et économiques. Les grandes villes connaissent un taux élevé de sans-papiers dans leur population. A Bruxelles, ils en représentent 7 à 9%.
De plus, le Conseil consultatif demande d’augmenter l’offre de logement à prix abordable permettant de reloger les personnes sans abri hébergées dans les dispositifs d’urgence créés dans le cadre de la crise du Covid-19 (centres d’hébergement, hôtels…) et d’augmenter les dispositifs d’aide permettant le maintien en logement tels que l’accompagnement au logement, l’allocation loyer et le fonds de garantie locative.
Afin d’appuyer ces recommandations, le Conseil consultatif se réfère au dernier rapport intersectoriel du CBCS :
« Les situations que les professionnels du secteur social-santé bruxellois ont quotidiennement dans leurs salles d’attente ou leurs bureaux ne sont plus seulement le produit de parcours malheureux ou d’événements inattendus mais, de plus en plus souvent, la conséquence d’un enchevêtrement de décisions politiques, de logiques économiques et d’une évolution sociétale globalement subie et acceptée, sinon désirée. »
Ce rapport date de 2018. Aujourd’hui, les estimations prévoient une augmentation de la part de la population vivant sous le seuil de pauvreté de 16,4 % (avant la crise) à 25 % (avec et après la crise) . En d’autres termes, les services sociaux et de santé vont devoir répondre à un nombre plus important de demandes, venant également d’une nouvelle couche de la population que la crise sociale actuelle aura précarisée.
Pour mesurer le bien-être de la population, le Bureau fédéral du plan a développé un indicateur intitulé “Bien-être ici et maintenant” ou BEIM. L’indicateur “mesure l’évolution du bien-être actuel en synthétisant ses principaux déterminants”, soit la santé, le niveau de vie, la vie en société, le travail et l’éducation. Le Bureau fédéral du plan s’attend à une chute de cet indicateur, bien plus importante que lors de la crise de 2008. Pour que le BEIM s’améliore rapidement, les politiques de sortie de crise doivent se concentrer en priorité sur les groupes vulnérables.
A.W., CBCS, 13 mai 2020