Pour la première fois en Belgique, des dénombrements des personnes sans-abri ont également été organisés fin 2020 dans d’autres villes que Bruxelles. A l’initiative de la Fondation Roi Baudouin les villes d’Arlon, de Liège et de Gand, et la province de Limbourg ont mené des dénombrements et dévoilent ce que l’on appelle “La partie visible de l’iceberg”.
Le Webinaire de la Fondation Roi Baudouin du 17/03/2021 présentant les résultats des dénombrements de sans-abris et mal logés a été suivi en direct par plus de 500 personnes. Devant un tel succès, la présentation n’a malheureusement pas pu se faire de manière interactive.
Le travail de la Strada (actuellement Bruss’help) a permis de positionner la méthodologie du dénombrement bruxellois en modèle phare vis-à-vis des autres régions du pays via le Programme MEHOBEL. [1]MEHOBEL, 2018, Measuring Homelessness in Belgium : Belgian Research Action through Interdisciplinary Networks 2012-2017. Une méthodologie soutenue et financée par la FRB qui a poussé à ce que des villes belges effectuent elles aussi des dénombrements. Ceux-ci ont été menés par les chercheurs Koen Hermans de LUCAS KULeuven et Patrick Italiano de l’ULiège, en collaboration avec les administrations locales ainsi qu’un grand nombre d’associations, d’institutions et de volontaires.
Ce que les résultats montrent
Le sans-abrisme et l’absence de chez-soi ne sont pas seulement des problématiques des grandes villes ; dans les plus petites villes aussi (ex. : Arlon, Saint-Trond, Lommel), des personnes se retrouvent dans cette situation. Le phénomène revêt en outre une part ‘non visible’ importante (personnes contraintes de rester chez des amis ou dans la famille). À noter aussi, au sein de la population sans-abri et sans chez-soi dénombrée: le nombre élevé d’enfants (entre 15 et 30%) ainsi que la forte proportion (+/- 1/5e) de jeunes adultes (18-25 ans). Le lien entre sans-abrisme ou absence de chez-soi et passé en institution est évident, surtout en ce qui concerne la psychiatrie (ex. : 20% à Gand). Les problématiques de santé mentale (ex. : 43% dans la province de Limbourg) et de toxicomanie (ex. : 43,8% à Liège) sont également marquantes. (source FRB)
Aux résultats de ces villes viennent s’ajouter les données de la Région de Bruxelles-Capitale et de la ville de Louvain, qui a mené un travail de dénombrement similaire de sa propre initiative.
La méthodologie exploitée en Wallonie et en Flandre repose sur les catégories Ethos (Espace public, Hébergement d’urgence, Foyer d’hébergement, En institution, Lieu non conventionnel (tente, garage, …), Chez des parents / amis + Menace d’expulsion) et des entretiens menés au préalable par les travailleurs sociaux auprès des usagers qu’ils fréquentent. Un des désavantages de la démarche est de ne pas avoir pu globalement prendre en compte l’ensemble des personnes sans logement ne fréquentant pas les services sociaux et qui passent donc “entre les mailles du filet”. Les résultats ne sont donc pas aussi exhaustifs que ceux des dénombrements réalisés depuis 2008 en Région Bruxelloise mais fournissent des tendances sur lesquelles il est fondamental de se pencher. Lors des prochaines éditions de dénombrements effectués respectivement dans plusieurs villes du pays, l’utilisation plus complète des typologies Ethos devraient converger pour obtenir une uniformisation des résultats.
Globalement, il clair que “l’image classique du SDF n’existe plus” précisait la FRB lors du Webinaire. On relève plus de jeunes, plus de femmes, plus de personnes “colorées”, plus de familles et plus d’enfants.
La méthode a fait apparaitre les personnes sans-abri à statut de séjour précaire et/ou issues de l’immigration.
Les jeunes adultes sans-abri ou sans chez soi constituent environ 20 à 25 % de la population dénombrée. Pour eux, le facteur déclenchant est souvent un conflit avec les parents ou la famille.
Seule une minorité des personnes n’aurait aucun problème de santé latent.
Il a une suspicion d’assuétudes pour 35 à 45% des personnes dénombrées.
Autre élément frappant: la suspicion de problèmes de santé mentale pour 20 à 40% des dénombrés.
Dans toutes les villes, 1 personne sur 3 est en situation de sans-abrisme ou d’absence de chez soi depuis plus d’un an.
Partout, il y a un groupe important de sans-abris avec un passé en institutions (psychiatrie en premier, prison, aide à la jeunesse).
Un quart seulement des sans-abris comptabilisés dans l’espace public disposerait d’une adresse de référence dans un CPAS.
Un quart également vit sans la moindre ressource financière.
Quelques résultats remarquables mis en lumière dans chaque ville
Liège
Dénombrement le 29/10/2020 avec 27 organisations
422 adultes + 78 enfants
71% d’hommes
27,7 éligibles au Housing First
77% ont un RIS ou une autre allocation
Dans un communiqué de presse, la Ville de Liège rappelle que plus de 220 millions d’euros sont consacrés par an à l’action sociale et que tant la lutte contre la pauvreté que la question du sans-abrisme constituent une priorité des autorités.
Gand
Dénombrement le 30/10/2020 avec 37 organisations ainsi qu’un travail préparatoire réalisé par les services à bas seuil et dénombrement nocturne.
1472 adultes + 401 enfants
70% d’hommes
Ils étaient très nombreux à dormir chez des amis ou chez des proches ainsi que dans les lieux inadaptés tel des tentes ou des garages.
17% éligibles au Housing First
48 % bénéficient du RIS ou d’une autre allocation
Louvain
La ville de Louvain a organisé le dénombrement à sa propre initiative.
Dénombrement le 21/02/2020 avec 36 associations
466 adultes + 90 enfants
Beaucoup dormaient chez des amis, des proches ou dans des lieux non conventionnels.
Arlon
Dénombrement le 29/10/200 avec 10 organisations participantes
149 adultes + 69 enfants
69% d’hommes
14% éligibles au Housing First
62% bénéficient du RIS ou d’une autre allocation
Province du Limbourg
Dénombrement le 30/10/2020 avec 65 organisations
932 adultes + 285 enfants
67% d’hommes
11.6% éligibles pour Housing First
67% bénéficient du RIS ou d’autres allocations.
La Fondation Roi Baudouin compte nouer de nouvelles collaborations avec d’autres villes/régions en Wallonie et en Flandre afin qu’elles participent aux prochains dénombrements.
C. VDB, CBCS asbl