Le « Carrefour de savoirs » comme espace d’expérimentation pour la recherche collaborative

La recherche collaborative invite à repenser les processus de production des connaissances, en offrant une place à part entière aux « non-chercheurs » et ainsi œuvrer pour plus de justice cognitive. Une posture qui reste complexe à mettre en œuvre en pratique. Le Carrefour de savoirs, format déployé dans le cadre du 9congrès de l’AIFRIS, en juillet 2022 à Bruxelles, apparaît comme un espace d’expérimentation à partir duquel éprouver ces principes. Par le biais d’une analyse critique du Carrefour de savoirs mis en place par l’équipe du Crebis lors de ce congrès, il s’agit d’analyser en quoi ce dispositif est porteur d’enseignements pour la mise en œuvre de la recherche collaborative en général.

Article scientifique publié dans la revue Écrire le social 2023/1 (N° 5) par Marjorie Lelubre, Jacques Moriau, Accompagnateur à l’écriture  Michel Parazelli

Envisager la production de connaissances sous un angle plus démocratique et permettre aux personnes directement concernées de (re)prendre une place à part entière dans les processus de recherche, tels sont les enjeux politiques, éthiques et épistémologiques au départ desquels le Crebis (Centre de recherche de Bruxelles sur les inégalités sociales) a été fondé.

Notre positionnement s’ancre dans la conviction forte que la complexité des questions soulevées par les phénomènes d’inégalités sociales réclame nécessairement la mise en dialogue de différentes formes de savoirs :

  1. Le savoir professionnel, porté par les praticiens de l’intervention sociale qui sont confrontés quotidiennement à ces différentes formes d’inégalités et leurs conséquences. Il s’agit d’un savoir construit à la fois dans le cadre d’une formation spécifique et d’une pratique faisant l’objet d’un examen réflexif.
  2. Le savoir expérientiel, construit collectivement par les personnes qui expérimentent directement la pauvreté, dans ses impacts matériels quotidiens, mais aussi dans ses effets plus intimes sur la construction identitaire et leurs rapports aux « autres ».
  3. Le savoir théorique, construit par les chercheurs sur base de leurs terrains, de l’examen de la littérature et des échanges avec leurs pairs.

Les chercheurs seuls ne peuvent rendre compte et assurer la finesse nécessaire à la compréhension et l’analyse de ces phénomènes, qui réclament dès lors une construction pluraliste de la connaissance. Comme le formule de Sousa Santos, on ne peut envisager atteindre une situation de justice, donc de disparition des inégalités, sans s’appuyer sur la justice cognitive et la production de savoirs qui évitent le déni des capacités, les effets de stigmatisation ou le renforcement du contrôle par l’usage de catégories hégémoniques. Traiter à égalité les différents producteurs de savoirs dans une globalisation des positions et des apports est une exigence nécessaire à l’établissement d’une démocratie réelle basée sur une écologie des savoirs.

Ces préoccupations rentrent pleinement en résonance avec les enjeux soulevés par le 9congrès de l’AIFRIS (Association Internationale pour la Formation, la Recherche et l’Intervention Sociale) qui avait pour thème « Paroles, expériences et actions des usagères et usagers dans l’intervention sociale : rendre visible l’invisible » et qui s’est tenu en juillet 2022. Si l’AIFRIS a pour mission de faire se rencontrer chercheurs, formateurs et professionnels de l’intervention sociale, notamment dans le cadre de ces congrès organisés bisannuellement, le plus souvent, dans des bâtiments universitaires, les usagers y étaient jusqu’alors peu présents. Il s’agissait donc de repenser le cadre du congrès de 2022 pour permettre une véritable inclusion de ces personnes et des autres formes de savoirs dont elles sont porteuses.

Dans ce sens, des formats dits « alternatifs » ont été imaginés par les organisateurs, afin de proposer d’autres cadres d’expression des savoirs que les communications « classiques » – interventions orales, le plus souvent faites par des chercheurs, devant un public plus ou moins important. En effet, un tel cadre paraissait sans doute trop restrictif pour que des usagers puissent pleinement se l’approprier. Parmi ces formats alternatifs, ont notamment été proposés les « Carrefours de savoirs, un espace de dialogue ayant pour objectif de favoriser les rencontres entre chercheurs, professionnels de l’intervention sociale et personnes directement concernées pour leur permettre de rendre compte de leurs analyses propres concernant une thématique spécifique. Il s’agit alors de favoriser la rencontre, autour d’une thématique partagée, de « savoirs situés » dans un espace-temps spécifiquement dédié à cette rencontre.

Au vu des acquis et des préoccupations du Crebis, il est apparu essentiel de nous impliquer dans l’organisation des différents Carrefours de savoirs prévus tout au long de ce congrès de juillet 2022.

Cet article a pour objet de relater cette expérience en se focalisant principalement sur les enjeux de méthode et non sur le contenu produit dans le cadre de ce Carrefour de savoirs. Il s’agit ici d’apporter un regard critique, mais constructif en vue de soutenir les futurs porteurs de Carrefours de savoirs dans leur mise en place.

Découvrez la suite de l’article ici.

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