Le CNCD et la Plateforme Santé-Solidarité, dont le CBCS est membre, dénoncent la marchandisation des soins de santé.


Carte blanche à l’occasion d’une action de sensibilisation sur ce thème démarrée le 7 avril 2016.

Les soins de santé publics coûtent plus chers ou sont moins bien gérés que les soins de santé délivrés par des entités privées commerciales ». En période de crise économique, cette façon de voir les choses est souvent mise en avant.

Pourtant elle ne peut résister à une analyse précise des faits. En appliquant une réduction des dépenses publiques en santé couplée à une libéralisation progressive du secteur, de nombreux pays européens réitèrent une recette qui a déjà prouvé son inefficacité dans les pays en développement.

En 2012, sur recommandation de la Troïka, l’Espagne a accepté de couper dans son budget de santé. De 70.506 millions d’euros en 2009, les dépenses publiques en santé sont passées à 57.632 millions d’euros en 2014. Ces coupes ont fait baisser de 10% le nombre de professionnels de la santé et baissé leurs salaires de 5%. Par ailleurs, le système de soins de santé a aussi été réformé en 2012 restreignant l’accès aux soins de santé aux seuls cotisants, excluant plus d’un million de personnes de l’assistance médicale. A cela s’est greffée la volonté du gouvernement de privatiser une série d’hôpitaux, mesure qui a eu pour effet de déclencher une « marée blanche » citoyenne en novembre 2012 . 

La plupart des pays européens évoluent vers un système de plus en plus commercial et cela sous les effets conjugués des mesures d’austérité et de libéralisation. C’est le cas en Belgique dans le secteur des maisons de repos. Ainsi à Bruxelles, 62% des lits des maisons de repos sont détenus par le secteur privé commercial. La commercialisation y induit une logique de rentabilité qui met notamment la pression sur le personnel de santé, censé travailler plus vite avec moins de moyens et dès lors de moins en moins capable de prodiguer des soins de qualité aux personnes âgées. 

L’accès aux soins de santé se retrouve ainsi mis en danger en Europe comme il l’a été, et l’est encore, dans les pays en développement. 

Suite aux crises de dette des années 80, les Institutions financières internationales, créancières des pays en développement, ont conditionné la poursuite de leur aide à des mesures d’austérité drastiques. En 1987, la Banque mondiale a ainsi publié pour la première fois un rapport sur le financement de la santé dans les pays en développement. Elle préconise l’introduction des paiements directs par le patient afin de compenser une réduction des dépenses de l’Etat, réservant la gratuité des soins aux populations indigentes. D’autres mesures imposées de libéralisation permirent en outre à des opérateurs privés commerciaux de venir concurrencer l’offre de soins publique ou privée sans but lucratif. Progressivement, le personnel de santé formé s’est donc dirigé vers ces acteurs commerciaux, plus rémunérateurs. La libéralisation du secteur de la santé a par ailleurs fait fleurir le marché des médicaments poussant à un usage de plus en plus irrationnel de ceux-ci.

Dès le début des années 2000, cette stratégie de la Banque mondiale a été remise en question. Des études ont en effet indiqué que les paiements directs par les patients induisaient un accès réduit aux soins de santé. Le report de soins de santé nécessaires pour des raisons financières a en effet été de plus en plus fréquent. Et chaque année, 100 millions de personnes basculent dans la pauvreté à cause de dépenses catastrophiques en santé, ce qui équivaut à 3 personnes par seconde. 

Aujourd’hui, les pays en développement sont de plus en plus nombreux à opter pour des systèmes de Couverture Santé Universelle (CSU) c’est-à-dire où tout le monde a accès à des soins de santé de qualité sans subir de graves conséquences financières. Or, seul un financement solidaire et mutualisé permet d’atteindre cet objectif d’universalité. Des efforts sont également à faire en termes de renforcement des services publics et des acteurs de santé à but non lucratif, ainsi qu’en termes de régulation des acteurs privés commerciaux. Paradoxalement, les pays industrialisés empruntent en ce moment le chemin inverse, basant de plus en plus leur système de santé sur des assurances privées à but lucratif et une restriction des dépenses publiques en santé. Or la coexistence de services de soins de santé commerciaux à côté des services publics affaiblit ces derniers et entraine inévitablement une médecine à deux vitesses.  

Il est donc essentiel de rappeler à nos dirigeants belges et européens que les mécanismes de commercialisation que sont les mesures d’austérité et les accords de commerce portent atteinte à notre droit à la santé, que ce soit au Nord ou au Sud de la planète. Seuls des systèmes de santé forts et solidaires peuvent offrir des soins de qualité à toutes et tous. Pour cela, nous exigeons un financement public suffisant des systèmes de santé, une régulation forte des acteurs privés, l’inclusion des acteurs de la société civile dans la définition et la mise en œuvre des politiques de santé, la cohérence de nos politiques commerciales avec le droit à la santé et enfin le renforcement des systèmes de santé des pays en développement via la solidarité internationale. 

La campagne belge Protection sociale pour tous :
www.protectionsociale.be


SIGNATAIRES

Jean Hermesse, Mutualités chrétiennes
Jean-Pascal Labille, Solidaris
Lina Cloostermans, CSC Services publics
Yves Hellendorff, CNE non-marchand
Rudy Janssens, CGSP ALR/LRB/Admi
Christian Masai, SETca
Sabine Selgers, CGSLB-ACLVB
Arnaud Zacharie, CNCD-11.11.11
Bogdan Vanden Berghe, 11.11.11
Pierre Verbeeren, Médecins du Monde
Alain Coheur, Solidarité Socialiste
Annuschka Vandewalle, FOS
Wim De Ceukelaire, Médecine pour le Tiers Monde
Xavier Declercq, Oxfam-Solidarité
André Kiekens, Solidarité Mondiale
Edwin de Boevé, Dynamo International
Isabelle Heymans, Plate-forme d’action santé et solidarité
Dirk Van Duppen, Médecine pour le peuple (GVHV-MPLP)
Catherine Vegairginsky, Centre Bruxellois de Promotion de la Santé (CBPS)
Christophe Cocu, Fédération des maisons médicales
Pierre Schoemann, Fédération des associations sociales et de santé (FASS)
Dr Serge Zombek, Fédération bruxelloise francophone des Institutions pour Toxicomanes (FEDITO BXL asbl)

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