La gare du Midi : aller voir derrière les symptômes


« La gare du Midi, la honte de la Belgique » (dans Le Vif, carte blanche jeunes MR, 29/08), « En Belgique, la gare de Bruxelles-Midi minée par l’insécurité et l’insalubrité », (Le Monde, 28/08), « Insécurité à Bruxelles-Midi : le monde politique se cherche un chef de gare » (Le Soir, 23/08), « Plus de 150 agressions armées aux abords de la gare du Midi: voici les cinq profils types des agresseurs » (La DH, le 02/08), « Ce fut un événement très traumatisant » : une famille coincée à la gare de Bruxelles-Midi raconte sa nuit horrible » (La Libre, 25/07), etc. etc. La liste est longue, tant, en l’espace de quelques semaines, tout a été dit sur la dangerosité de la gare du Midi et de ses alentours. Très (trop) souvent, les écrits et autres prises de parole martèlent le même message : face à son « charme effrayant [qui] repousseraient les voyageurs », il faut déployer davantage de moyens sécuritaires. Selon le bourgmestre anderlechtois, Fabrice Cumps (PS) dans Le Soir, il faudrait entre 100 et 120 policiers de plus pour couvrir la zone. Et définir une unité de commandement.

Tour d’horizon à partir de la presse quotidienne, par Stéphanie Devlésaver, 01/09/2023

Une remise en contexte nécessaire


Heureusement, nombreux sont aussi celles et ceux qui nuancent, évitent de tomber dans la caricature facile d’un phénomène qui apparaîtrait comme sorti de nulle part, de manière soudaine. Dans son article « La gare du Midi, c’est l’urgence de tous » (24/08), Véronique Lamquin, journaliste au Soir, pose cette question : « La gestion de la gare du Midi, sinistre impensé du royaume de Belgique ? Que nenni. Une convention la définit, qui répartit les tâches entre la Région bruxelloise, la SNCB, la Stib, De Lijn, les communes de Saint-Gilles et d’Anderlecht. Un document dicté par l’urgence ? Du tout : le texte a été paraphé il y a tout juste… vingt ans. S’y ajoutent, pour la sécurité, les polices fédérale et locale ; pour les problématiques sociales, une myriade d’associations et de services locaux, régionaux, communautaires. »

En parlant d’associations, déjà en mai de cette année, DoucheFlux qui permet aux personnes vivant à la rue de regagner leur dignité avait été contrainte de fermer ses portes suite à des faits de violence dans leur institution. D’autres structures s’étaient associées à elle pour rédiger une carte blanche qui soulignait combien « face à la violence immédiate, la réponse spontanée est sécuritaire et préventive. (…) Mais la réponse sécuritaire est insuffisante et ne satisfait pleinement personne. (…) Nous nous faisons « lanceuses d’alerte » et refusons d’être laissées à nous-mêmes dans une impasse sociétale dont nous ne sommes pas responsables. », concluaient-ils. Ils demandaient aux pouvoirs publics « de reconnaître » la « situation de crise » et de mettre en place « des mesures à même d’améliorer les conditions de travail des équipes de terrain et d’offrir des perspectives de vie concrètes et dignes aux personnes les plus précarisées de la Région bruxelloise« .

Fin août, c’est au tour d’une kyrielle d’associations de commerçants et de comités de quartier bruxellois de la zone du Canal de cosigner une carte blanche dans laquelle ils font savoir au ministre-président Rudi Vervoort et aux cinq bourgmestres de la zone concernée qu’ils se « sentent ignorés, incompris, négligés »


S’attaquer aux causes : soigner nos politiques social-santé !


« Nous sommes tout à fait d’accord avec les comités de quartier sur un point », rétorquent Emmy Deschute et Michel Genet, de l’ONG médicale Dokters van de Wereld, dans le Knack (25/08), « le ventre de Bruxelles » grossit de manière excessive, « ce qui a un impact négatif sur la vie des citoyens ordinaires qui y vivent ». Ils soulignent cependant la responsabilité de « celles et ceux qui sont aux commandes ». « En tant que société, nous sommes obligés de prendre des mesures contre ce surpoids de malheur, également pour les habitants du quartier qui sonnent justement l’alarme. Mais en se concentrant uniquement sur un régime minceur rapide basé sur la honte et la répression, nous n’y parviendrons pas ». En d’autres mots, si « les inquiétudes du quartier sont pertinentes, [ce sont] les solutions proposées jusqu’à présent [qui] s’apparentent à un traitement des symptômes », alertent-ils.

La récente annonce du cabinet de Nicole de Moor, secrétaire d’Etat à l’Asile et à la Migration est malheureusement une illustration parfaite de cette critique des choix politiques : « Les hommes seuls qui demandent l’asile ne seront temporairement plus accueillis dans le réseau Fedasil », déclarait-elle ce 29/08. Pour elle, ils peuvent aller dans les centres d’accueil bruxellois gérés par le Samusocial. “Pire qu’un manquement”, a réagi le président de la Ligue des droits humains Edgar Szoc au micro de BX1, “c’est vraiment une violation flagrante et assumée de l’État de droit. A écouter ici !

La question subsidiaire est : quand notre société mettra plus d’énergie à prendre soin collectivement des droits et libertés fondamentales des plus fragiles plutôt que de s’évertuer à les affaiblir et à les défaire ?

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