Généralement, les politologues distinguent plusieurs modèles d’articulation entre associations et pouvoirs publics [1]Modèles de relations Etat-société, Grossman E., Saurugger S. (2006), Les groupes d’intérêts. Action collective et stratégies de représentation, Paris, Armand Colin.
-Le Modèle étatiste : c’est l’Etat qui assure la mission d’intérêt publique (social, santé, éducation,…) et les associations, suspectes de soutenir des intérêts particuliers, n’ont pas à s’en mêler. C’est la conception incarnée par le modèle historique français ;
-Le Modèle pluraliste : l’Etat ne se pose pas au-dessus des intérêts, mais comme arbitre de ceux-ci, en étant sensible à la capacité d’’influence (au lobbying) des différents groupes d’intérêts. Le rôle de l’Etat est un rôle d’arbitrage, à l’image du modèle des Etats-Unis (ou de la Commission européenne) où le rôle des lobbies est souvent déterminant ;
–Le Modèle néo-corporatiste, dont la Belgique est parfois présentée comme l’exemple-type : la place institutionnelle des partenaires sociaux est reconnue. L’Etat n’est pas tout seul, mais s’associe à des interlocuteurs, partenaires privilégiés qui, ensemble, constituent un monopole de gestion de tel ou tel domaine social ; typiquement, syndicats et fédérations patronales pour tout ce qui concerne les relations de travail. Ces acteurs sont présents dans les organes de gestion des principaux organismes : conseil économique et social, ACTIRIS, ONEM, etc. La question est de déterminer si les associations veulent entrer dans ce modèle dans leurs domaines respectifs d’action et franchir le seuil de la « communauté politique » en tant qu’acteurs institués qui ont mandat de gérer tel ou tel secteur… C’est une des tentations à laquelle est soumise l’associatif.
Est-ce que ces trois modèles ne sont pas aujourd’hui appelés à être dépassés dans un contexte de reconstruction et de reconfiguration de l’action publique ? De plus en plus, on parle d’action publique plutôt que de politique publique. Parler de politique, c’est indiquer que c’est l’Etat qui a la prérogative et que les associations sont extérieures tout en tentant de faire pression sur les politiques publiques. Parler d’action publique, par contre, c’est rendre compte de l’idée qu’aujourd’hui la manière dont une collectivité agit sur elle-même passe par une diversité d’acteurs (publics, associatif,…) à qui on reconnaît une certaine autonomie, une diversité.
A l’Etat social correspondait un type de découpage ; à un problème, un ministère et une ligne administrative claire à travers laquelle une grande institution a le monopole de la réponse (pour la santé, c’est l’hôpital ; pour éducation, c’est l’école).
Dans le modèle d’un état réseau, on tend vers une pluralisation et une démultiplication des acteurs. C’est aussi prendre la mesure que l’Etat ne peut pas tout. On pourrait parfois penser que l’Etat peut maîtriser les problèmes sociaux, mais il est dépassé par la complexité des enjeux et l’enchevêtrement des situations, il ne parvient pas à avoir toute l’information et la maîtrise de l’action. D’où, le principe de privilégier des formes de pilotages réflexifs, itératifs, concertés plutôt que des grandes planifications stratégiques.
Si on est dans le cadre de cette action publique en réseau, réflexive, la place des associations trouve tout son sens comme partenaires, acteurs de cette action. Acteurs nécessairement autonomes puisque c’est cette autonomie qui permet de s’ajuster à des situations locales qui ne sont plus prévisibles simplement de manière linéaire ou schématique.
Stéphanie Devlésaver, CBCS ASBL, 15/7/13