Le 17 octobre 2023, la Commission des Affaires sociales du Parlement Francophone bruxellois a adopté la proposition de résolution relative à la reconnaissance de la pair-aidance et à l’intégration des pairs-aidant·es dans les services sociaux et de santé. S’appuyer sur des personnes ayant traversé et surmonté des difficultés personnelles majeures pour créer des outils de guérison à destination d’un public vulnérable, c’est le pari de la pair-aidance. Le terme est aujourd’hui couramment utilisé dans le secteur social-santé et de plus en plus de pair-aidant·es rejoignent l’associatif dans différents domaines : assuétudes, santé mentale, lutte contre la précarité… Cette résolution a notamment pour ambition d’assurer la pérennité des structures accompagnant les pair-aidant·es, les soutenir financièrement pour leur donner accès à des formations et à un accompagnement de leurs équipes sur le terrain, mais également de mener une réflexion sur leur statut, particulièrement en ce qui concerne les obstacles liés aux statuts d’invalidité, chômage… Un premier pas vers une reconnaissance de ce statut !
Par Adeline Thollot, CBCS, le 12 décembre 2023
Afin de mieux comprendre cette fonction, extrait de l’interview d’Aurélien Vitiello, membre du service Peer and support Team (PAT) du Smes par Edgar Szoc pour Prospective Jeunesse, publiée en Avril 2023.
Prospective Jeunesse : Quel est l’intérêt pour des dispositifs psycho-médico-sociaux d’intégrer des pair-aidants ?
Aurélien Vitiello : Pour des services travaillant avec un public vulnérable, l’intégration de pair-aidants permet de se rapprocher des réalités de ce public. Les personnes ayant eu un parcours de vie en rue, de consommation ou psychiatrique peuvent en effet témoigner de leur vécu et, par leur parcours de rétablissement, donner espoir en un avenir meilleur, accompagner les personnes fragilisées et améliorer leur prise en charge. Si je devais résumer le rôle du pair-aidant, c’est probablement le terme de créateur de liens ou de traducteur qui conviendrait le mieux : notre force, c’est de pouvoir parler à la fois le langage de l’institution et celui des usagers, ce qui permet de mieux travailler la question centrale des émotions.
Il y a aussi un rôle de transfert de connaissances et de diffusion des bonnes pratiques qui n’est pas à négliger. Les pratiques professionnelles sont en effet très ancrées dans chaque institution, et parfois difficiles à faire évoluer, alors même que la recherche avance et que des nouvelles pratiques positives peuvent émerger dans de nouveaux lieux sans pour autant être diffusées. Le vécu du pair-aidant peut aider à un transfert de compétences entre institutions.
Et puis, c’est sans doute l’expérience du rétablissement qui compte le plus dans la pair-aidance : c’est elle qui a évidemment le plus de pouvoir d’entraînement vis-à-vis de l’usager dans la mesure où elle donne une incarnation concrète d’un futur possible.
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L’émergence et le développement du statut de pair-aidant·e appelait à clarifier de manière législative le rôle des personnes exerçant cette fonction. C’est en cela que les acteur·ices du secteur demandaient une reconnaissance du statut. Lorsque Muriel Allard, coordinatrice du projet Housing First au Smes [1]une des premières organisations a avoir engagé un pair-aidant en Belgique francophone commence un état des lieux de la pair-aidance en 2019, elle découvre que certaines personnes occupent ce type de fonction, mais ne sont pas rémunérées dans les structures. Lorsque nous l’avions interviewé en 2022, elle rappelait alors la nécessité de “normaliser cette fonction, afin de pouvoir les considérer comme des collègues ordinaires. Le pair-aidant doit avoir la même place que ses collègues et ne pas occuper une sous-fonction. Leur rémunération doit être suffisante et ils doivent pouvoir bénéficier d’un soutien quand cela est nécessaire. Finalement, être attentif au bien-être et à la santé des pair-aidants, ce sont les questions classiques que l’on se pose pour tout travailleur“.
L’intégration de ces nouveaux collègues au sein des équipes ne va pas de soi. C’est pour poser des balises que l‘association “En Route” a rédigé une charte reprenant les engagements, pratiques et comportements que les pair-aidant·es de l’asbl et ceux détachés au sein des structures partenaires s’engagent à adopter. L’accent est mis sur la notion de complémentarité avec les professionnels de la structure. “Le partenariat offre aux équipes une opportunité supplémentaire de rencontrer les besoins des personnes avec lesquelles elles travaillent et d’aller plus loin dans la communication. Le pair-aidant a aussi des spécificités propres. Là où les professionnels traditionnels doivent conserver une certaine distance pour préserver leur objectivité, le pair-aidant privilégiera la connexion aux émotions pour créer un espace où il partage son expertise. Dans cette relation réciproque, il n’y a ni hiérarchie ni jugement. Le pair-aidant offre également un autre regard sur la relation thérapeutique“.
Comme l’explique Aurélien Vitiello, membre du PAT et pair-aidant, la question la plus travaillée dans les formations données pour les pair-aidants, est celle de la distance. “Notre apport réside évidemment dans la proximité des vécus et dans l’empathie qui peut en découler, mais il faut prendre garde à ne pas être noyé par cette empathie”. Trouver la juste balance entre garder la proximité avec le vécu des bénéficiaires, sans qu’elle se retourne contre soi-même est souvent présenté comme un des enjeux primordiaux de cette fonction. Pour éviter aux personnes ayant choisi de mettre leurs expériences vécues au service des autres de retomber dans une forme de vulnérabilité, des intervisions régulières sont proposées par les structures accompagnant les pair-aidants.