Le vécu a des choses à nous apprendre. Cela peut sembler évident, mais il est toujours utile de le rappeler. L’Université, forte de ses 200 ans d’histoire en Belgique, conserve le monopole du savoir et ne semble pas prête à le lâcher. Loin de nous l’idée de mettre en concurrence les différents types d’expertise ! Mais pour une juste reconnaissance de toutes et tous au sein de la société, il est essentiel d’appuyer plus fort sur les connaissances de celles et ceux tenu·es à distance de nos institutions et des processus de décision. C’est le pari de ce numéro : donner de la force à ces expériences de vie, ignorées ou délégitimées pour faire émerger des savoirs plus nuancés, plus proches des réalités vécues.
Revue Bxl Infos Sociales 182, « Explosions de savoirs. Quand l’expérience (d)étonne », décembre 2024
Donner et prendre place. La participation des publics est au cœur de l’action sociale. Pourtant, cette participation reste trop souvent prisonnière de logiques descendantes, flirtant avec le « top-down » au lieu de construire avec les personnes concernées. Ces processus reproduisent, parfois malgré eux, les rapports de domination et ne permettent pas l’empouvoirement des personnes qui s’y investissent. Alors, comment inverser la tendance ?
Travailler d’égal à égal avec des personnes familières des rouages de nos espaces de soins, mais aussi de leurs limites, de leurs dérives, pourrait bien changer la donne ! Comment dès lors, intégrer dans le travail social des personnes ayant traversé des épisodes de précarité (économique, sociale, psychique, etc.) ? Entre volontariat, militance, aide informelle, fonction institutionnalisée, la manière de valoriser ces expériences de vécu peut prendre des formes bien différentes.
Nous voulons créer d’autres types de narratifs, des récits collectifs, à plusieurs mains, comme autant de manières de voir le monde. Dans une société où diplômes, classe sociale, genre, origine ethnique creusent des fossés entre les individus, reconnaître les savoirs d’expérience ne va pas de soi. Croiser les regards, les savoirs, demande du temps et des remises en question. Au moment de repenser les pratiques professionnelles à la lumière des expériences, questionnons la place qui est laissée aux vécus.
Les innombrables situations de non-recours aux droits, de paroles silenciées, de récits invisibles, ne nous donnent pas le choix : changer de posture pour appréhender l’autre côté du miroir. Innover, transformer les pratiques, identifier les points de tension, c’est en partie, prêter plus attention aux personnes les ayant traversés. Conscientiser la pluralité des existences, c’est prendre conscience des possibilités de co-exister.