Société civile et pouvoirs publics

Décrire en quelques lignes la structure de la société civile organisée en Belgique et ses relations avec l’autorité publique n’est pas chose aisée.


Il s’agit en effet, au préalable, d’appréhender quatre caractéristiques fondamentales du modèle belge : le choix, au sortir de la seconde guerre mondiale, du modèle Rhénan (ou corporatiste), la forte pilarisation de la société belge, la complexité de son modèle institutionnel et, last but not least, sa longue tradition de la concertation sociale paritaire. Dans une conversation de couloir, nous n’hésiterions pas à y rajouter une cinquième, pour laquelle notre petit pays est mondialement reconnu : l’art du compromis !

Cette complexité institutionnelle, due à la fédéralisation progressive d’un Etat unitaire à sa création en 1830, a eu pour conséquences que, d’une part, la société civile a dû s’adapter aux constants remodelages de la Belgique, et que, d’autre part, chaque entité fédérée a développé ses propres modes de consultation de la société civile . Nous prendrons en guise d’exemples le Conseil consultatif bruxellois francophone de l’aide aux personnes et de la santé.

En 2004, les pouvoirs publics initient un processus devant aboutir à une charte contenant des principes fondamentaux que chacune des parties (société civile et pouvoirs publics) s’engage à respecter : autonomie des associations, complémentarité et dialogue avec les services publics, égalité d’accès des utilisateurs… Mais 11 ans plus tard, on attend toujours son application.

La complexité institutionnelle belge

La Belgique, aujourd’hui, est un Etat fédéral composé d’un gouvernement fédéral, trois communautés (germanophone, flamande, française), trois régions (Wallonne, flamande, Bruxelles-Capitale), dix provinces et cinq cent quatre-vingt neuf communes. Chaque niveau de pouvoir possède ses compétences propres qui parfois se chevauchent, d’où l’existence d’une Cour constitutionnelle chargée de régler les éventuels conflits. D’où, également, la mise en place d’une multitude de commissions de concertation et la signature de nombreux accords de coopération.

D’une manière générale, le principe est que l’Etat fédéral garde les grandes matières qui cimentent la Fédération : politique étrangère, armée, sécurité sociale,… Notons qu’en matière de sécurité sociale et de fiscalité, notamment, la VIe et – à ce jour – dernière Réforme de l’Etat dépossède le Fédéral de nombre de compétences au profit des Régions et Communautés. Les Régions s’occupent des matières relatives au sol : aménagement du territoire,… Les Communautés se chargent des matières personnalisables.

Il paraît que l’on vient des quatre coins du monde pour analyser la manière dont nous parvenons à gérer une telle mosaïque institutionnelle ! Ces visiteurs enthousiastes ne sont pas au bout de leurs peines car il faut ajouter à l’édifice la division du Royaume en quatre zones linguistiques (germanophone, flamande, francophone,… et une zone bilingue : Bruxelles, Ville-Région et Capitale de la Belgique, de la Flandre et de l’Europe).

Créée en 1989, la Région Bilingue de Bruxelles-Capitale possède son Parlement et son Gouvernement. Son Parlement est composé de 72 élus francophones et 17 élus flamands – on dénombre environ 10% de citoyens néerlandophones habitant Bruxelles – et est compétent, comme l’indique son nom, pour toutes les matières régionales.

Les 89 membres du Parlement se réunissent en Commission Communautaire Commune (Cocom) lorsqu’ils traitent des matières personnalisables qui intéressent aussi bien francophones que néerlandophones (« bicommunautaires ») et se divisent en Commission Communautaire Flamande (VGC) et Commission Communautaire Française (Cocof) lorsque sont abordées les matières dites unicommunautaires. Chacune de ces instances a son propre « gouvernement » : le Collège Réuni de la Cocom, le Collège de la Cocof et le Collège de la Commission Communautaire flamande.

Si du côté néerlandophone du pays, on a très tôt simplifié les choses en limitant les lieux d’exercice du pouvoir par la fusion Communauté-Région (ce qui à Bruxelles donne une Commission Communautaire Flamande aux compétences somme toute fort réduites), il n’en va pas de même chez les francophones où l’on reste attaché à la co-existence et la complémentarité des deux, Communauté et Région.

C’est dans le cadre de cette coexistence qu’interviennent en 1994 les accords dits de la Saint-Quentin . Afin d’alimenter une Communauté française financièrement exsangue, il a été décidé le transfert d’une partie de l’exercice des compétences de cette dernière vers la Région wallonne et la Cocof bruxelloise. Ce transfert de compétences s’accompagne du pouvoir décrétal, indispensable outil législatif, d’un transfert de personnel (selon les besoins de la Région wallonne et de la Cocof) et de moyens financiers.

Ce transfert concerne principalement les matières d’aide aux personnes, de la Famille, de la santé ambulatoire et la politique en faveur de la personne handicapées. Une Saint-Quentin bis est organisée dans la foulée de la VIe Réforme de l’Etat : en 2014, la Communauté française confie le secteur de la Promotion de la santé à la Région Wallonne et à la Commission communautaire française.

La société civile organisée s’est adaptée à cette architecture institutionnelle complexe. Ainsi, les grandes organisations se sont scindées en suivant les pointillés du puzzle. A titre d’exemple, on trouvera deux partis socialistes (PS et Spa), deux syndicats chrétiens (CSC et ACV),… Chaque pouvoir fédéré a mis en place ses propres lieux et modes de dialogue avec la société civile organisée.

Le modèle Rhénan

La Belgique partage avec l’Allemagne, l‘Autriche, la France et les Pays-Bas ce modèle dit « corporatiste ». La société civile y tient une place non négligeable. Elle est caractérisée par des organisations puissantes, souvent anciennes, très institutionnalisées . Ces organisations, intégrées dans le système de l‘Etat providence, sont très professionnalisées et reposent modérément sur le bénévolat.

Les grandes organisations sans but lucratif sont financées essentiellement par l’autorité publique (Sécurité sociale, pouvoirs fédéral et fédérés), conformément au principe de subsidiarité. La participation financière des usagers au service rendu est faible. Ce modèle est aujourd’hui attaqué de toute part par les tenants du libéralisme économique : les mesures d’austérité en détruisent les acquis et une mouvance politique active principalement au nord du pays tente de limiter l’action des corps intermédiaires que sont syndicats et mutuelles.

La pilarisation de la société belge

Dès la création de la Belgique, des groupes de tendances philosophiques différentes se côtoient, s’allient ou s’opposent. Au milieu du 19ième siècle naît la bourgeoisie libérale, généralement laïque, en opposition à la noblesse catholique qui occupe le pouvoir sans partage. Fin 19ième – début 20ième siècle, le mouvement ouvrier, né autour des conditions de travail inhumaines du début de l’industrialisation, prend du poids et se structure politiquement. Chacun de ces trois courants politiques s’organise et développe son « réseau », son groupe d’associations, son syndicat, ses mutuelles, ses mouvements de jeunesse, ses hôpitaux, ses écoles, ses universités,… La pilarisation de la société belge prend forme. Cela permettait à chaque citoyen d’évoluer dans un même pilier socialiste, catholique ou libéral.

Cette pilarisation tend à s’estomper avec le temps. D’une part, le consumérisme fait qu’un citoyen peut choisir de s’affilier au syndicat chrétien et à la mutuelle socialiste, tenant plus compte du rapport qualité/prix du service que de ses convictions ; d’autre part, le paysage politique est marqué par l’arrivée d’une palanquée de petits partis politiques, dont l’un a réussi sa percée et a aujourd’hui déjà été associé au pouvoir : Ecolo, qui ne s’est pas organisé en pilier.

Néanmoins, les modélisations du dialogue civil tiennent encore très souvent et scrupuleusement compte de l’équilibre dans la représentation des obédiences autour de la table. Deux textes font référence à ce niveau : le Pacte culturel et le Pacte scolaire.

Signé en 1972, le Pacte culturel poursuit un double objectif : favoriser la participation des acteurs de terrain à l’élaboration et à l’application des politiques publiques, et donner des garanties à toutes les minorités idéologiques et philosophiques qui s’adressent à des institutions publiques ou assimilées. Le Pacte culturel est à la fois un engagement solennel des partis politiques et une loi-cadre d’une grande portée. Il couvre tous les domaines de la culture, mais aussi le champ des médias et du sport.

Coulé sous forme de loi en 1959, le Pacte scolaire est un accord politique qui met fin à près d’une décennie de durs affrontements entre le pilier chrétien et le pilier laïque, et entre les partis qui relaient leurs revendications (social-chrétien d’un côté, libéral et socialiste de l’autre) et qui se sont succédé au pouvoir dans les années 1950 en adoptant des politiques scolaires antagonistes. L’affrontement concerne alors principalement l’enseignement secondaire (écoles moyennes et techniques), dans lequel les catholiques s’estimaient sous-représentés.

Une longue tradition de concertation sociale paritaire

Le système de sécurité sociale en Belgique est de type « bismarckien », c‘est-à-dire assurantiel, reposant essentiellement sur une solidarité professionnelle. Cette solidarité institutionnalisée entre actifs et non actifs a débouché sur un mode très avancé de concertation sociale paritaire (appelé « dialogue social » dans le vocabulaire de l’Union européenne), représentants des travailleurs sur un banc, représentants des employeurs sur l’autre banc, le contrat et les conditions de travail sur la table.

Coupoles fédérales de la concertation sociale, Le Conseil National du Travail et le Conseil Central de l’Economie ont été créés en 1948 et 1952.

Pour les organisations du secteur non marchand, la concertation sociale compte un banc de plus : le pouvoir politique, qui subventionne les organismes pour leurs services aux publics.

La concertation sociale paritaire est tant ancrée dans la tradition belge que toute tentative de modélisation du dialogue civil met immédiatement les syndicats, et, dans une moindre mesure le patronat, sur la défensive. L’autorité politique n’essaie-t-elle pas de contourner ou de déclasser la concertation sociale au profit d’autres alliances ? A titre d’exemple, le préambule de la Charte associative dit que « La Charte ne porte pas préjudice au modèle de concertation sociale actuel. Si la Charte a un impact sur ce modèle, il ne peut être que positif, notamment à travers un encouragement des associations à entretenir le dialogue social interne mais aussi en systématisant le modèle de négociation tripartite dans les secteurs subventionnés ».

Autre exemple, l’introduction de la Démarche d’évaluation qualitative dans le décret de la Commission communautaire française relatif à l’offre de services ambulatoires dans les domaines de l’action sociale, de la famille et de la santé, donne lieu à la signature de conventions collectives de travail impliquant les représentants des travailleurs à tous les étages du dispositif.

Si la concertation sociale touche exclusivement au domaine du monde et du contrat de travail, le champ d’application du dialogue civil recouvre des domaines très différents, couverts par des ONG ou associations spécifiques : la protection des consommateurs, la coopération au développement, l’action sociale, la défense de l’environnement, la lutte contre les discriminations à l’égard des femmes ou des personnes handicapées, pour ne citer que les « plates formes » structurées au niveau européen.

Les syndicats de travailleurs se sont néanmoins investi dans le dialogue civil élargissant ainsi leur domaine d’intervention, s’affirmant comme composante incontournable de la société civile organisée.

Le dialogue civil en Belgique francophone

Les associations sans but lucratif (ASBL) représentent incontestablement la composante principale du monde associatif belge . Leur nombre s’élevait à 113 513 au 31 décembre 2004.

Parmi les ASBL en activité, on en recense plus de 15 000 qui emploient du personnel rémunéré sur fonds propres, par opposition au personnel qui est mis à leur disposition par les pouvoirs publics.

Les associations internationales sans but lucratif constituent un cas particulier des ASBL, elles sont appelées à jouer un rôle croissant en Belgique du fait de la place occupée par Bruxelles sur la scène internationale. Les fondations d’utilité publique jouent, de leur côté, un rôle important en raison des fonds mobilisés au bénéfice d’objectifs philanthropiques, scientifiques ou culturels.

La loi du 2 mars 2002 régit les associations sans but lucratif (ASBL), les ASBL internationales et les fondations.

Notons pour mémoire que tant les partis politiques que les mutuelles peuvent être des associations de fait mais sont dotés d’un statut juridique spécifique relatif à leur dotation publique.

Le poids économique de la société civile

Le secteur associatif joue un rôle important dans l’économie qui peut notamment être apprécié par la contribution au Produit intérieur brut (PIB) de la Belgique. En 2001, elle s’élevait à 5,0 %.

Pour l’année 2001, le classement des associations selon leur activité principale révèle une concentration dans trois grandes branches d’activité : l’action sociale, la défense des droits et la culture, les sports et les loisirs . Ensemble, l’éducation, l’action sociale et la santé représentent la très grande majorité (85,8%) des emplois associatifs en Belgique.

Bruxelles se distingue par une concentration plus importante des emplois associatifs dans les branches de la culture et de la défense des droits et intérêts. La capitale belge se distingue par un nombre d’emplois associatifs par mille habitants supérieur à la moyenne nationale quelle que soit la branche d’activités considérée.

Les associations recourent à différents moyens pour financer leurs activités. Ces ressources sont principalement d’origine publique (61,8 %). Les entreprises, les autres associations et les particuliers apportent plus de 36 % de ces ressources.

En mai 2013, l’Observatoire de la vie associative, récemment créé au sein de la Fondation Roi Baudouin, publiait une actualisation du poids économique du secteur non marchand en Belgique, à partir des comptes satellites de la Banque Nationale. Les chiffres sont éloquents. Accès à la publication
L’analyse sectorielle de la BNB montre que les créations d’emploi se font surtout dans les activités de service et du non-marchand, et plus particulièrement dans la santé et l’action sociale.

La complexité institutionnelle évoquée plus haut et son incidence directe sur le modelage du dialogue civil en Belgique francophone rend fort difficile une présentation globale de celui-ci. Nous prendrons donc ici un seul exemple de dialogue institué entre le pouvoir public et la société organisée. Il s’agit d’un choix arbitraire que nous assumons.

Le Conseil consultatif bruxellois francophone de l’aide aux personnes et de la santé

Mis en place par le gouvernement bruxellois francophone, le Conseil consultatif bruxellois francophone de l’Aide aux Personnes et de la Santé est un organe chargé de donner des avis spécifiques sur la programmation et l’agrément de services d’action sociale, de la Famille et de la Santé (3ème âge, personnes handicapées, services sociaux, planning familial, aide à domicile, toxicomanies, santé mentale,…) subventionnés par la Commission communautaire française de la Région de Bruxelles-Capitale. Il peut également remettre des avis d’initiative sur tout aspect dans le cadre de ses compétences.

L’intérêt de ce Conseil consultatif est, d’une part, qu’il est composé de représentants des organisations syndicales et patronales, des usagers et d’experts ; et que, d’autre part, bien qu’il soit divisé en cinq sections (services ambulatoires, hébergement, aide à domicile, personnes handicapées et Cohésion sociale), il conserve son unité, de part la constitution d’une coupole regroupant des membres des diverses sections, le Bureau. L’objectif affiché est ainsi d’assurer une cohérence des politiques menées dans ces secteurs. Notons qu’avec le transfert de la l’exercice de la compétence en matière de Promotion de la santé de la Fédération Wallonie Bruxelles vers la Commission communautaire française, une 6e section devrait voir le jour en 2016.

La Charte associative : l’occasion manquée

Cette Charte est une initiative des pouvoirs publics et vise à (re)définir les rapports entre services publics et secteurs associatifs. « Alors que la logique marchande convoite chaque espace de l’action collective, les pouvoirs publics signataires veulent renforcer leur engagement au service du bien public et sceller alliance avec le monde associatif pour défendre ensemble, dans une perspective de développement durable, les valeurs d’émancipation sociale, d’égalité, de solidarité et de liberté ainsi que les services d’intérêt général » sont les premières lignes du préambule.

Depuis le début des années 1990, les partis démocratiques prennent conscience de la nécessité de mieux articuler les liens entre la société civile, le monde associatif, et l’autorité politique. Si les positions de ces partis parfois diffèrent, tous s’accordent sur la nécessité de redéfinir les rapports réciproques que peuvent entretenir État et associations . Lors des négociations pour la formation du gouvernement fédéral en 2003, l’idée de conclure un pacte entre les pouvoirs publics et le monde associatif est évoquée. Prenant la balle au bon, un processus de réflexion est initié au sein de la société civile par la tenue, le 8 décembre 2003, d’un colloque organisé par la Plate forme francophone du volontariat intitulé « Pacte associatif – mode d’emploi » et la structuration d’une réflexion interne à la société civile dépassant le cadre initial de cette association. Cette réflexion s’est déroulée de janvier à mai 2004 et débouche sur une note d’éclairage.

La Fondation Roi Baudouin prend la décision de réunir représentants associatifs néerlandophones et francophones autour de cette idée, lancée rappelons-le, au niveau fédéral. Mais il apparaît que les divergences de pratiques et stratégies empêchent l’entente à ce niveau et l’enlisement guette.

A l’occasion des élections régionales de juin 2004, plusieurs partis politiques rappellent, dans leur programme, leur volonté d’ouvrir un dialogue avec la société civile, et la volonté de conclure un « pacte associatif » se retrouve dans les déclarations de politique générale de la Communauté française, de la Commission communautaire française et de la Région wallonne.

En février 2005, le Conseil bruxellois de coordination sociopolitique ASBL dépose sur la place publique un Manifeste pour un Pacte associatif, qui découle des travaux entamés par la Plate-forme francophone du volontariat, et plus particulièrement de sa « note d’éclairage ».

Un an plus tard, les trois Gouvernements francophones déposent conjointement un « livre vert » .

Le livre se présente comme un compendium . Il a comme objectif de préparer le dialogue souhaité. Cependant, il ne reflète pas leur position. C’est une synthèse, la plus systématique possible, des réflexions conduites par la société civile et le monde politique francophone belge sur l’idée de Pacte associatif. Il s’agit donc d’offrir un éventail de constats, d’idées, de propositions dans le but de lancer le débat sur ce thème.

Tout ce qui compte en matière de conseils consultatifs et d’avis institués par la Communauté française, la Région wallonne et la Commission communautaire française de la Région de Bruxelles-Capitale ainsi que 27 associations et groupements d’associations que l’autorité politique considère comme représentative de la société civile, reçoivent, courant de la première semaine d’avril 2006, le « livre vert » du Pacte associatif, accompagné d’un questionnaire.

Cette 1ière phase de consultation prend fin sous la forme d’un grand « pow-wow », en juillet 2006, d’où au moins une évidence ressort : avant la conclusion d’un Pacte, il appartient aux pouvoirs publics de poser un acte unilatéral de reconnaissance du fait associatif. L’idée de la Charte est née.

Ce qu’ils font le 30 mai 2008. A cette date, les trois Gouvernements approuvent en première lecture le projet de Charte associative. Celui-ci est soumis pour avis aux mêmes organes et associations précédemment sollicités et, le 12 février 2009, les Exécutifs approuvent le texte final en seconde lecture.

Le projet de charte peut maintenant aboutir sur les bancs parlementaires. Les trois parlements francophones adoptent le texte en 2010.

Il aurait dû ensuite être traduit en dispositions légales et réglementaires, ce qui nécessite un accord de coopération entre les trois entités. Mais cela coince. On peine à trouver consensus sur le périmètre légal (qui est concerné) et le cadre du recours que peut introduire l’association quand elle s’estime lésée. La charte est égarée lors d’un déménagement, un jour de juillet 2014 … On est sans nouvelle depuis.

Quels sont les principes, engagements et outils prévus par la Charte

Par cette Charte, les pouvoirs publics énoncent un ensemble de principes et prennent une série d’engagements :

  • La Charte s’applique exclusivement aux associations qui respectent les principes de la démocratie tels qu’énoncés par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
  • Les associations sont une richesse créatrice de richesses : richesse économique, détection de besoins nouveaux au sein de la population, renforcement de la solidarité et de la cohésion sociale, rôle de relais entre le citoyen et les pouvoirs publics.
  • Les pouvoirs publics soutiennent les efforts de structuration et de coordination des associations.
  • Les pouvoirs publics reconnaissent et encouragent la liberté d’expression des associations et notamment l’exercice de leur capacité critique.
  • La Charte considère comme complémentarité et non concurrentielle l’action associative et l’action publique. Lorsque les pouvoirs publics et les associations privées sont tous les deux opérateurs comme, par exemple, dans le secteur de l’action sociale et de la santé, il est temps de passer un accord entre les deux parties afin de se compléter et non pas de se concurrencer.
  • Les pouvoirs publics s’engagent à liquider les subventions aux associations dans les délais et à privilégier le subventionnement dans la durée.
  • Les pouvoirs publics s’engagent à soutenir le volontariat, aux côtés de l’emploi salarié, comme acte de solidarité ou de militance dans l’action et la gestion des associations.

Pour faire vivre la Charte, il était prévu de créer, d’une part, une « task force » administrative dont le rôle aurait été d’accompagner la transposition réglementaire des engagements prévus, et, d’autre part, un Forum du partenariat associatif , lieu de débat avec le monde associatif, selon une formule à définir, afin notamment de permettre l’évaluation de la Charte et d’assurer le suivi des engagements.

Un écrit sans acte …

Avec cette charte, les pouvoirs publics et secteur associatif auraient pu baser leurs relations au départ d’un écrit. Car, le moins que l’on puisse dire, c’est que l’époque n’est pas favorable. Les règles de concurrence permettent au secteur marchand de grignoter pas à pas les services à la collectivité ; la généralisation des appels à projets instaure la mise en concurrence périodique des associations entre elles pour assurer des missions de services publics ; la politique d’austérité met des associations non marchandes indispensables à leur secteur d’activités en danger de mort ; la tentation existe aujourd’hui plus qu’hier de considérer le secteur non marchand, et particulièrement les secteurs social, de santé et socioculturel comme opportunité de (ré)insertion socioprofessionnelle pour un public « éloigné du marché de l’emploi », au risque de mettre à mal la qualité et la continuité des services …

Les dangers qui planent (de plus en plus bas) sur nos secteurs sont d’ordres divers et variés, et si la charte n’aurait pu les écarter tous, au moins aurait-elle permis d’encadrer la recherche des meilleures solutions possibles.

Alain Willaert, CBCS asbl (30/06/2010, 15/07/2013 et 11/09/2015 pour révision et actualisation)

Cet article a été rédigé pour la publication « Relations entre organisations de la société civile et institutions européennes à l’aune de la Présidence belge », Diane Grossot et Alain Willaert sous la direction de Denis Stokkink, Pour la Solidarité, juin 2010. La présente version a été adaptée et mise à jour.

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