L’exclusion de l’accès aux soins est en totale contradiction avec la lutte contre les inégalités et la pauvreté.
Une opinion de Christine Mahy, pour le réseau wallon de lutte contre la pauvreté au nom d’un collectif de signataires [1]Voici la liste des signataires:
, dont le CBCS.
Nous sommes plus qu’inquiets d’apprendre que dans le cadre d’un audit à charge sur le fonctionnement au forfait, la ministre de la Santé impose un moratoire qui perdure et asphyxie les Maisons médicales… et tue une dynamique d’accès à la santé qui fait quotidiennement largement ses preuves. Nous nous demandons à quel moment les familles qui vivent dans la pauvreté, les familles qui se précarisent, les organisations qui les représentent, ont été consultées par les spécialistes en charge de cet audit. A quel moment des personnes, des familles ont pu être entendues sur l’importance d’une prise en charge globale de leur santé par une équipe, et sur l’impérieuse condition de lever les freins financiers pour des personnes et familles confinées à la survie ? Si les spécialistes en charge de cet audit ont étudié le lien entre les objectifs chiffrés de réduction de la pauvreté en Belgique, la lutte contre la pauvreté infantile, l’accès à la santé et le report des soins ?
Nous sommes inquiets car nous savons que handicaper l’accès aux soins généralistes de première ligne, c’est forcément augmenter le report de soin avec toutes les conséquences que cela engendre. Ce qui, par ailleurs, affectera les résultats en matière de santé publique et augmentera les dépenses de sécurité sociale à cause de prises en charge plus tardives dans des dispositifs nettement plus coûteux (hospitalisation, examens spécialisés, maladies chroniques, etc.).
Nous regrettons le démantèlement d’un des dispositifs les plus efficaces en matière d’accès à la santé pour tous et toutes, singulièrement pour les populations les plus fragiles capables d’en nommer les bienfaits et qui, de plus, rencontre la définition de l’OMS : “La santé est un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité”. Bien au contraire, nous estimons qu’il manque des Maisons médicales et qu’il est regrettable que bon nombre de personnes et familles doivent renoncer au fait de bénéficier d’une prise en charge globale dans ce cadre. Des témoignages montrent en quoi cette prise en charge globale de la santé de familles particulièrement précarisées et appauvries s’est améliorée lorsqu’elles vivent dans un quartier ou une commune où elles peuvent fréquenter une Maison médicale et, à l’inverse, le désarroi lorsqu’un déménagement les conduit sur un territoire où il n’en existe pas. Des bénéficiaires directs expriment également que la Maison médicale s’inscrit dans leurs parcours de vie, très fréquemment en interaction et synergie avec le milieu associatif local (culturel, éducation permanente, insertion sociale, etc). Les professionnels du secteur réaffirment à quel point une telle dynamique est porteuse en termes d’affiliation et de réaffiliation sociale.
Nous n’osons imaginer une minute que la ministre de la Santé, impliquée dans un gouvernement qui dit vouloir réduire la pauvreté, décide de mettre à mal un dispositif qui a largement fait ses preuves.
Nous espérons que la ministre de la Santé et le gouvernement n’ont pas l’intention de grever les caisses de la sécurité sociale en affectant de façon directe la prise en charge généraliste de la santé en première ligne.
Nous demandons donc à la ministre de revoir sa position en levant le moratoire qui étouffe le secteur, d’ouvrir le dialogue avec toutes les parties concernées et, notamment, de compléter le travail d’audit par un travail qualitatif en consultant les bénéficiaires et singulièrement les acteurs de la lutte contre la pauvreté. Des propositions d’amélioration et d’optimalisation sont possibles.
L’exclusion de l’accès à la santé est en totale contradiction avec la réduction des inégalités et la lutte contre la pauvreté dont le Premier ministre s’est encore dit particulièrement préoccupé lors de sa récente déclaration de politique fédérale. Nous appelons donc à un sursaut de cohérence.
(Paru sur lalibre.be, le 26 octobre 2017)