L’action publique contribue à maintenir les populations les plus vulnérables dans la précarité. Et cela notamment à travers trois mécanismes : l’établissement de normes intrinsèquement inégalitaires, l’application variable de ces normes par les agent·es de l’Etat et l’absence de production institutionnelle de données. Prendre conscience de la responsabilité étatique dans le maintien et la reproduction de la pauvreté est une première étape vers la construction d’une société où les droits fondamentaux sont garantis à tou·tes.
Par DELIGNE Chloé, GODART Pernelle, MORIAU Jacques, BACQUAERT Pauline, DECROLY Jean-Michel, LANNOY Pierre, LECLERCQ Alexandre, MALHERBE Alain, MARZIALI Valentina, MAY Xavier, PIERRE Adèle, SANDERSON Jean-Paul, SWYNGEDOUW Eva, VAN CRIEKINGEN Mathieu et VAN HEUR Bas, 2023. In : BSI Position Papers, no 5, 19/06/2023
Lors de l’appel 2018 de son programme « Prospective Research for Brussels », Innoviris cherchait à mieux connaître « les populations cachées » présentes à Bruxelles. Nos équipes se sont ainsi intéressées aux personnes qui n’ont pas accès à l’eau d’hygiène (projet Hyper), expulsées de leur logement (projet Bru-Home) ou concernées par une radiation du registre national (projet Measinb), trois problématiques sur lesquelles il existe peu de données, tant d’un point de vue quantitatif que qualitatif.
Au terme de nos projets, nous avons mis en évidence les mécanismes qui mènent à être privé de moyens fondamentaux d’existence et l’ampleur de ces phénomènes. On a pu estimer ainsi qu’au minimum 8 % de la population bruxelloise a des difficultés d’accès à l’eau pour ses besoins d’hygiène (douches, linge, toilettes), qu’1,3 % des locataires bruxellois reçoit chaque année un ordre d’expulsion (soit 11 expulsions judiciaires par jour en moyenne) et qu’environ 1,3 % de la population bruxelloise est visée annuellement par une radiation ou une disparition du registre national.
Derrière ces estimations se cachent des vies bousculées, qui ont souvent en commun d’accumuler les obstacles (ruptures familiales, perte de repères, manque de revenus, endettement, statut d’étranger, absence ou perte du logement, stress, maladie mentale et solitude). C’est vrai à Bruxelles comme ailleurs. Mais ce que nos recherches mettent aussi en évidence, c’est le rôle des politiques publiques dans la production et l’aggravation de ces accidents de parcours. Pour les plus fragiles, les filets de sécurité sont souvent inopérants ou inaccessibles. C’est vrai à Bruxelles comme ailleurs.
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