Un public de plus en plus précaire, une intrication des problématiques sociales et de santé avec toujours plus de problèmes de santé mentale, une hyper saturation des services, un accès aux droits sociaux de plus en plus revêche [1]Lire le rapport intersectoriel 2018 : « Evolution des problématiques sociales et de santé 2013-2018 : analyses et recommandations », sur le site du CBCS., … Les constats liés au travail social, on les connaît. Telle une ritournelle sans fin, on les ressasse, on les dénonce, on interpelle, … Mais, il faut l’admettre, sans grand succès. Sur le terrain, au quotidien, les intervenants sociaux n’ont pourtant d’autre choix que d’avancer. Avec, à l’esprit, cette question : comment réaffirmer la liberté de transformation du travail social quand l’accès aux droits sociaux s’étiole ? [2]lire pp. 3-4, « Le travail social, acteur politique »
Edito du BIS n°177/2019, par Stéphanie Devlésaver, CBCS asbl
Comme une colère qui gronde …
Au fil des pages de ce dossier, on a voulu éclairer certaines réponses élaborées par ces « gens de terrain », parfois consciemment, parfois presqu’à leur insu : ébauches de solution élaborées avec les moyens du bord, dans les interstices des missions subsidiées, voire dans un exercice de « contournement » de celles-ci face aux manques d’issues proposées par l’Etat.
D’où, cette série de reportages [3]lire pp. 16-17, « Résister : créer des territoires communs » Pour raconter, informer, relayer ces constats et pistes de solution, un peu autrement. Les dire à partir de l’entremêlement des voix, des expériences partagées entre intervenants sociaux et usagers.
Tout en pudeur et en simplicité, on nous a ouvert la porte : service d’accueil de jour et d’accompagnement pour personnes sans-abri, accueil et hébergement pour usagers de drogue, centre d’aide alimentaire d’urgence, service d’accompagnement pour personnes exilées, … Le temps d’une matinée, d’une journée, de plusieurs semaines. Entre l’angoisse du temps qui manque, entre des murs parfois un peu trop étriqués ; au fil de réunions, de groupes d’activités communautaires, de visites à travers les réseaux, … Entre deux tasses de café et pléthore de rendez-vous individuels.
Chacun des lieux de reportage permet de renverser notre regard : partir de ce qui se vit pour comprendre, réinterroger, dénoncer, mais aussi se laisser surprendre. S’émerveiller à la fois de l’humain qui lie, qui rend fort et du travail social qui lutte pour tracer sa propre route. Pour rester AVEC les personnes accompagnées. L’enjeu n’est pas ici de rendre hommage, – même si cela ne peut faire de mal – mais de rendre visible l’accompagnement social de ces oubliés du système, d’un travail social limité par des politiques de répression et de responsabilisation de l’individu. Dans un rapport de force inégal, qui épuise et divise plus qu’il ne rassemble. Raconter ce combat pour lui donner plus de puissance, d’amplitude, de résonnance. Et, pour au final, réinterroger sa capacité d’action et contribuer, peut-être, à ouvrir l’horizon du travail social.
Ce numéro du « Bruxelles Informations Sociales » s’inscrit dans la droite ligne de ces projets d’ébullition collective en vue d’un travail social (re)politisé.