En écho à la publication « Hors-circuit » pour lutter contre le non-recours aux droits sociaux, focus sur le travail de Transit, structure d’accueil à bas seuil d’accès, spécialisée dans la prise en charge des personnes souffrant d’assuétudes aux stupéfiants, à l’alcool ou aux médicaments.
C’est pour mieux résister que nous vous proposons de faire dialoguer pistes de réflexion et travail de terrain d’aide et de soin à Bruxelles. Pour que l’un résonne en l’autre, pour que l’un et l’autre s’alimentent, mais montrent aussi leurs limites, les espaces manquants entre rêve et réalité pour un travail social renouvelé. Le CBCS asbl Pour avoir accès à la publication Hors-circuit en ligne, c’est par ici !

« Tout est fait pour tromper »
Cela ne te dérange pas si la journaliste assiste à notre entretien ?, demande Raphaël, travailleur social. Oh, pas de problème, répond dans un sourire fatigué, Lucie. [1]Prénom d’emprunt. Au point où j’en suis, dit-elle en passant une main derrière sa nuque. Difficile de lui donner un âge : traits tirés, mais un look plutôt jeune : pantalon, blouse à longues manches, bottillons et sac à main en simili cuir à l’épaule. C’est la première fois qu’elle passe la porte de Transit. Elle souhaite être hébergée. Mais craint d’être coincée. Elle est inquiète, perdue… On a téléphoné il y a 15 jours pour une demande d’hébergement. Mais j’ai entendu que je ne pourrais pas sortir… Ca ne va pas aller si je ne peux pas sortir… Elle est là. Elle écoute. Mais elle n’est pas à l’aise. Elle est inquiète. Raphaël : Logiquement, nous limitons les sorties pendant 2 jours. Et ce, pour faire connaissance, nous assurer que l’hébergement se déroule bien et que tu saisisses bien le fonctionnement du centre. Mais on va faire l’entretien en fonction de ta demande, de tes besoins. Et de ce qui est possible en fonction de notre règlement … Mais pourquoi tu veux sortir ? Lucie : J’ai mes chats à nourrir, mon copain, régler quelques petites choses… Ca fait 10 ans qu’on vit ensemble en appartement. Il travaille, il a arrêté de boire, mais il fume aussi. Je pompe son énergie, ses sous, la totale. Je l’emmerde jusqu’à le réveiller pour lui prendre des sous. Je consomme 50 à 100 euros par jour. Je peux être très méchante. Raphaël : Tu viens pour souffler, prendre du temps par rapport à ton couple ? Lucie : L’histoire, je la fais longue ou courte ? … J’étais héroïnomane à partir de 20 ans, maintenant plus. Cela fait 25 ans. Alcoolique à 13 ans … Maintenant, je prends de la cocaïne en fix et 4 grandes Jupiler par jour. La cocaïne par injection, l’avantage, c’est qu’il n’y a pas l’odeur d’ammoniaque et il ne faut pas chauffer. Tout est fait pour tromper… Mais ça fait des dégâts, j’ai une pancréatite. Normalement, je ne peux plus boire. C’est lamentable, quoi ! Je devais entrer à Sanatia [Maison de soins psychiatriques], mais je n’ai pas de réponse … Je suis dépressive. Tellement lucide sur sa propre histoire. Sa propre déchéance. Comme un regard jeté avec désarroi sur ce corps qu’elle abîme, maltraite. Sans issue de secours. Au fil de l’entretien, on apprend qu’elle est Belge, célibataire. Elle a été à l’école jusqu’en 3ème secondaire et touche 890 euros de la sécurité sociale (VIPO). Elle n’a pas ses documents d’identité. En 25 ans, elle a fait des passages en cure par Saint-Michel, l’ULB, l’Hôpital d’Ixelles, … Raphaël : Je peux te donner une réponse vers 15h, après la réunion avec mes collègues. Si tu fais une demande d’hébergement, nous te demandons de patienter dans le centre jusqu’à la fin de cette réunion. Le temps de vérifier s’il tu as besoin d’un traitement, de t’expliquer notre Règlement d’Ordre Intérieur et de nous assurer que tout se passe bien avec nous. Dès que l’équipe donne la réponse à ta demande d’hébergement, tu pourras décider si tu restes ou non. Si tu ne sais pas attendre 15h, vas-y, il n’y a pas de souci, et repasse dès demain, si tu le souhaites. Lucie : Je dois rentrer chez moi avant. Ranger mes affaires, prendre des vêtements, ma prothèse dentaire, nourrir mes 2 chats … Vous ne pouvez pas m’appeler à 15h ? Raphaël : Non, ce n’est pas possible. Tu peux retourner chez toi après 15h, mais tu dois rentrer ici pour 17h30. Je peux repousser les règles, mais pas plus. Si c’est trop compliqué, alors tu dois revenir demain. Lucie : Mais les chats, mon mec, les vêtements, demander la posologie à mon médecin, … Raphaël explique le règlement de la maison. Ils sortent du bureau et se dirigent vers le hall d’entrée de Transit. Il ouvre le casier n°47 dans lequel ses affaires ont été déposées, à son arrivée. Pour revenir demain ou un autre jour. Ou peut-être ne pas revenir du tout … A cet instant, le portable de Lucie sonne. C’est un appel de Sanatia : elle est acceptée dès lundi ! On peut voir le soulagement dans tout son corps, son visage. « Ouf ! », dit-elle, simplement. Du coup, avant son départ, l’assistant social l’invite à passer par le comptoir de réduction des risques. Raphaël : ici, tu peux trouver du matériel propre. Notre idée n’est pas spécialement que tu arrêtes ta consommation. Ici, ce n’est pas un lieu de cure avec des médecins. On peut t’aider pour trouver comment arrêter, mais on peut aussi entendre que tu dois consommer. Mais pas ici quand même !, s’exclame Lucie, avec une naïveté d’enfant. Non, tu déposes ton matos dans un casier, à l’entrée, répond Raphaël. On te donne un matériel de consommation stérile. Si tu veux consommer, tu reprends ton matos et tu peux le faire de manière plus propre, à l’extérieur. Tout en respectant l’espace public. [2]Actuellement, la loi ne permet pas encore d’encadrer la consommation des usagers de drogues. C’est en ce sens que Transit soutient l’ouverture de salles de consommation à moindre risque. La salle est étroite, mais disponible 24h sur 24. A l’abri des regards. Le lieu est anonyme. Lucie a 4 seringues sur elle à jeter. Elles sont enroulées à la va-vite dans du papier essuie-tout, tout tâché de sang. Raphaël lui montre le matériel : des petites cuillères en plastique ou stericups, les tampons pour désinfecter, … Tout est stérile pour réaliser une injection la plus sécurisée possible. Lucie est très attentive. Elle découvre, elle n’avait jamais vu ce type de matériel auparavant. Elle se pique sans précaution… Elle montre ses bras et ses mains. Des blessures profondes, violacées qui font mal, juste au regard. Quand tu te piques toujours au même endroit, c’est comme un puits sans fond, cela va tout seul au bout d’un moment, m’explique-t-elle. Raphaël est surpris, c’est une usagère très à l’écoute. Il a l’habitude d’être face à des personnes agitées, déconstruites qui n’ont souvent pas de conseils à recevoir sur leur manière de consommer, encore moins d’un plus jeune qu’eux ! Il est aussi inquiet : capital veineux épuisé ? Infection ? … Il y a clairement un risque d’hépatite C. Si tu reviens demain, tu pourrais avoir des soins à l’infirmerie, conclut-il.Comme sur des ressorts
L’entretien se passe à Transit, rue Stephenson, à la frontière entre Bruxelles-Villes et Schaerbeek. A deux pas de la cage aux Ours. Un quartier qui semble plutôt tranquille … Si ce n’est les barreaux fixés à toutes les fenêtres des maisons. Très vite, on apprend que le quartier est aussi précarisé qu’à Ribaucourt, mais la consommation y est moins visible… Transit, c’est un centre d’accueil et d’hébergement d’urgence à bas seuil d’accès. Ici, les gens n’ont pas l’obligation de venir avec un projet. Se poser, pour commencer, c’est déjà bien. Ils sont en errance et en situation de consommation aigue (drogues, alcool). 20 lits sont à disposition, auxquels s’ajoutent 2 lits d’urgence (sorties de prison, urgence 24h/24) pour une occupation d’une durée de 13 jours. Le taux de saturation est tel que c’est plus théorique que pratique : on ne gère plus ce flux, la saturation de l’aide explose tout en première ligne, la pression est permanente !, confie Transit. [3]En 2017, leur rapport d’activités fait à nouveau le constat d’une fréquentation record au centre de crise avec un nombre total de 11 941 prises en charge. Pour le centre d’hébergement, c’est aussi un taux de fréquentation supérieur à 2016 (+ 142 jours d’hébergement) alors qu’il s’agissait déjà d’une année record. Plusieurs éléments contribueraient à installer ce contexte d’engorgement : envolée des prix des loyers, précarisation accrue, discriminations économiques et sociales … Mais avant, il y avait encore certains leviers, poursuit un travailleur, maintenant tout s’éloigne, les structures rehaussent leur seuil d’accès : entre s’occuper d’une personne qui a le plus de problèmes ou celui qui prendra le moins de temps, le calcul est vite fait ! L’urgence, on la sent là, à tout moment. Dans la manière d’accueillir de Kris, coordinateur de l’équipe – tout en jovialité attentive mais chaque minute semble compter – et dans la manière de circuler – dans une énergie de tous les instants. Sur le qui-vive. Ici, on a tous des ressorts à nos fesses, en permanence, confie-t-il, dans un sourire. Quand le ton monte, tout le monde lâche tout, explique-t-il, tout en entamant une visite des lieux. L’accueil, c’est la zone tampon entre la rue et les locaux de Transit. Dès l’entrée à gauche, la personne s’inscrit et se déleste de ses affaires personnelles, de tout ce qui est prohibé dans le centre. Au début, on met la consigne à disposition, mais il faut parfois du temps pour que la personne s’en serve réellement, précise-t-il. Juste après l’accueil, dans le prolongement de ce même couloir d’entrée, le comptoir de réduction des risques, là où il est possible d’obtenir des conseils et du matériel stérile : seringues, tampons, cuillères, préservatifs, … A droite, l’escalier pour monter au 1er étage vers les lits d’urgence (l’accès est fermé en journée) ou au second, avec les huit studios individuels supervisés (phase IV) qui offrent de se poser, dans un temps plus long et de préparer à la vie en autonomie. [4]Entre le 1er janvier et le 31 décembre 2017, 16 personnes différentes ont pu bénéficier d’un hébergement dans leurs 8 studios. La durée moyenne des séjours s’est considérablement allongée, constate le rapport d’activités : de 3 mois en moyenne auparavant, la durée de séjour est passée à plus de 8 mois. Cette décision de prolonger plus souvent la durée des séjours découle au final d’un choix institutionnel totalement assumé par l’équipe d’offrir toutes les chances et le temps nécessaire à leurs résidents pour trouver une solution d’hébergement durable, surtout au vu de la dégradation des conditions d’accès au logement en région bruxelloise. Mais la visite se poursuit vers le sous-sol.« El apoyo mutuo »
On se retrouve soudain à l’extérieur, dans une ancienne cour d’école. Un petit jardin sur la droite, un préau suivi d’un petit salon, sur la gauche. Etrange contraste entre cette sensation paisible – quelques personnes qui fument, qui tapent la balle, écoutent de la musique, … et les explications sur la réalité du quotidien à Transit : » tous les dix jours environ, il ya une ambulance qui vient pour une réanimation, une overdose, un problème de santé majeur. On est formé aux gestes de premiers secours et on reste vigilants. De jour comme de nuit, il peut y avoir une crise d’épilepsie, une tentative de suicide, … ». Dans le prolongement de la cour, un local sert de cuisine – Ali, cuisinier Article 60, avec l’aide de l’équipe, s’occupe tous les jours de faire à manger pour 50 à 60 personnes. Un passe-plat sépare la cuisine de la cantine : on donne une assiette par personne sinon tout le monde met ses mains dans les plats et c’est la guerre ! Les repas sont gratuits, explique Kris. On reprend l’escalier vers le rez-de-chaussée pour poursuivre la visite par les bureaux que se partagent les travailleurs. Tout au bout du couloir principal, à gauche une salle de réunion – un panneau sert à épingler de nombreuses coupures de journaux : « Ca plane pour la production de cannabis en planque », etc., -, à droite quelques tables, chaises et ordinateurs. Ces espaces fonctionnels, voire aseptisés contrastent avec la bonne humeur des travailleurs qui colore les lieux. Juan, travailleur social, confirme : ici, on pratique quelque chose en voie de disparition, « el apoyo mutuo », l’entraide. Ouvrier pendant vingt ans, il a voulu donner un peu de sens au mot travail et jongle depuis neuf ans maintenant entre entretiens individuels et discussions dans les couloirs, au comptoir de réduction des risques, de jour comme de nuit. Contraste aussi entre cette pleine présence des travailleurs et la lassitude, voire l’usure des corps, allongés sur les bancs du hall d’entrée. Encore des corps fatigués qui trouvent ici de quoi se poser (lire aussi La Consigne Article 23). Le rire nous permet d’évacuer, ce qui ne veut pas dire se moquer des situations difficiles…, précise Manu, depuis douze ans à Transit. Pas besoin de préciser. Il suffit de voir les chaleureuses accolades quand deux anciens usagers passent dire bonjour. Tapes dans le dos et rires égaient soudain le couloir. On est contents de les voir, savoir qu’ils sont en vie, explique Juan. En tout, ils sont 4 équipes : une équipe de jour , six équipes tournantes – 3 jours de travail (jour/nuit), 3 jours off – une équipe de liaison et l’équipe de travail de rue. Et ce, afin d’assurer une présence continue auprès des usagers, 24h sur 24, 7 jour sur 7. A 3 minimum parce qu’à 2 travailleurs, tu sais que tu commences ta journée sur un pied ! Un travailleur de l’équipe tournante nous souffle combien c’est la nuit que les choses se passent.
De la souplesse, en toute cohérence ?
Mais la réalité d’un tel centre reste qu’il est impossible de s’y projeter ! Et dans les maisons d’accueil, les personnes ne sont pas préparées pour recevoir des usagers de drogues, fait remarquer un travailleur. C’est ce qui est aussi pointé dans leur dernier rapport d’activités : « toujours plus de monde avec moins de perspectives qu’avant en matière d’insertion ». Toujours est-il que les travailleurs issus de formations variées – criminologues, sociologues, éducateurs, assistants sociaux, infirmiers … – posent autant de regards croisés sur les situations rencontrées. Une plus-value évidente dans l’accompagnement psycho-social, mais qui nécessite cependant une sacrée bonne circulation de l’information. Et une certaine cohérence dans les prises de décision. Tous les matins, l’équipe tournante transmet toutes les nouvelles à l’équipe de jour, explique Kris, elle passe en revue les hébergés, avec un temps de présentation plus long pour les personnes nouvellement arrivées. Autre moment important de mise en résonnances et en échos des fragments d’histoire récoltés : la réunion quotidienne de l’après-midi. Elle réunit l’ensemble des travailleurs de première ligne présents et passe en revue chaque usager reçu dans l’institution. Objectif : héberger, réorienter, faire le point, mettre en perspective.Pourquoi ne pas prendre cette personne en hébergement ? Ses mains montrent qu’elle est en crise !… Pourquoi ne pas la laisser d’abord se poser une à deux fois par semaine avant d’envisager l’hébergement ? Son projet n’est pas clair… On s’en fout de son projet, on la met à l’abri!Apparaît toute la difficulté de s’entendre autour de cette réalité : c’est quoi être en crise ? … Chacun dessine les contours de sa propre définition. De même, avec l’idée de « sanction », nécessaire dans tel contexte pour certains, démesurée pour d’autres : la sanction pour la sanction ne sert à rien ! Où, ailleurs qu’ici, chacun sera pris en considération ?… On cherche, on confronte ses positions, on propose ses pistes d’orientation : Maison d’accueil ? Sanatia ? Petits-riens ? Réseau Bitume ? Retour en structure familiale ? L’îlot ? Albatros ? La Pièce ? Médi-Halt ? Housing First ? Maison de Repos et de Soins à 44 ans ?!… Les noms de structures défilent – même si on entend dire que les pistes se rétrécissent – entre le nombre de doses de méthadones consommées – 30mg, 200mg … Métha, métha, métha – la tête nous en tournerait presque ! Il est aussi question de vigilance : ne pas mettre les usagers hébergés à Transit en danger. De prévention : il a une sorte d’impétigo à signaler au réseau, il peut être potentiellement contagieux. Et de limites : c’est déjà son septième hébergement cette année, il faut casser cette répétition … Et pendant tout ce temps, le qui-vive ne fléchit pas. les interruptions sont incessantes, les demandes continuent à arriver, de-ci, de -là : les sonneries du téléphone, la porte d’entrée continuent à retentir. Pas d’apaisement. Le flux permanent d’usagers ne se tarit pas. Kris a toujours ses ressorts bien calés sous ses fesses. Finalement, sa prise de notes est reprise par une de ses collègues. Et la réunion se poursuit, comme si de rien n’était.
Expertise de terrain pour nourrir les politiques
A 16h, la réunion se termine, mais c’est alors le temps de l’encodage. Transit a un programme conçu sur mesure pour l’institution qui permet d’avoir une vue psycho-sociale de la personne en un clic, les motifs d’exclusion de l’institution, etc. Mais cela demande aux professionnels de jouer le jeu, de consacrer du temps à nourrir l’outil avec ces données. Données précieuses dont s’empare l’équipe de seconde ligne pour appuyer certaines recommandations politiques, confirmer le bien-fondé d’un nouveau projet. D’autant plus depuis que Transit s’est vu confier le rôle d’Opérateur Régional Bruxelles Assuétudes (ORBA). Missions : coordonner et opérationnaliser les mesures prises par la Région de Bruxelles-Capitale en matière de politique drogues sur base du Plan Global de Sécurité et de Prévention. [6]La Région de Bruxelles-Capitale obtient davantage de compétences suite aux différentes réformes de l’Etat. En 2015, un nouvel organisme d’intérêt public est créé : Bruxelles Prévention-Sécurité (BPS). Ce dernier nomme Transit comme Opérateur Régional Bruxellois en matière d’Assuétudes (ORBA) concernant la troisième thématique (« drogues et assuétudes ») dans le cadre du Plan Global de Sécurité et de Prévention (PGSP). L’institution reçoit de nouvelles missions et des subsides plus importants qui constituent aujourd’hui la plus grande partie de son financement. C’est dans ce cadre qu’un centre intégré à très bas seuil d’accès verra bientôt le jour (lire plus bas). Par ailleurs, Transit soutient également, dans le cadre des Plans bruxellois de Prévention et de Proximité, les 19 communes bruxelloises dans la conception et le développement des projets de prévention. Pour Laurent Maisse, coordinateur de ces nouvelles missions, c’est une manière de reconnaître l’expertise et la légitimité de Transit dans la prise en charge et la gestion de la problématique des assuétudes depuis 20 ans. Vu de Liège, là où il travaillait auparavant, c’est une institution qui a toujours été inspirante, dans la réflexion et le développement permanent de nouvelles manières de travailler. Certains de nos partenaires pourraient avoir peur qu’on ne devienne l’interlocuteur unique du politique, mais c’est un travail qui se fait avec l’ensemble des acteurs de terrain, insiste-t-il. La thématique « drogue et assuétudes » de ce plan régional est d’ailleurs le résultat d’une écriture partagée avec les acteurs de terrain et s’appuie sur une vision très large, complète et diversifiée de ce qui existe déjà. Ce plan fait lien et intègre les différents plans déjà existants, se réjouit-il. Plus spécifiquement, pour l’équipe de Transit, c’est un financement supplémentaire qui permet à tous de souffler un peu !, reconnaît le responsable ORBA. Au-delà, c’est aussi un nouvel outil qui pourrait bien répondre, en partie, à cette interrogation : Il nous arrive encore bien souvent d’être témoins de situations personnelles et environnementales que nous qualifions d’inacceptables d’un point de vue humain et sociétal, confient les travailleurs de Transit dans leur rapport d’activités, la question de la dignité se pose alors ouvertement. Sans solutions concrètes, nous nous demandons très régulièrement : « Et maintenant, « on fait quoi de ça ? », de ce que nous entendons, voyons, observons, constatons. S’inscrire dans une co-construction des politiques drogues pourrait permettre de créer un lien étroit et précieux entre constats de terrain et interpellations politiques … 17h30 : c’est le retour des usagers hébergés à Transit. Certains reviennent bien cassés. Il faut pouvoir gérer ces retours !, témoigne un des travailleurs. A 19h, c’est l’ouverture des chambres à l’étage, suivie à 19h30, de l’arrivée de l’équipe de nuit. Parce que la nuit non plus, il n’y a pas de relâche possible : toutes les heures, c’est le tour des chambres pour vérifier qu’il n’y a pas de signes de détresse dans l’une ou l’autre chambre. On ne peut s’empêcher de faire le parallèle avec le quotidien dans les prisons. Mais, à l’opposé de cette ambiance sécuritaire, Transit tente de permettre le plus de mouvements possibles. De créer le plus de liens possibles. Ce qui exige une attention de tous les instants. Un qui-vive permanent. Stéphanie Devlésaver, CBCS asbl, janvier 2019