« La présence des Inégalités Sociales de Santé en Belgique est un constat indéniable », affirme Rana Charafeddine, dès l’introduction à son ouvrage « Les inégalités sociales de santé en Belgique » (2011). Nous voilà prévenus. Les ISS sont définies comme « les différences systématiques et évitables dans la prévalence ou l’incidence des problèmes de santé entre les groupes sociaux (WHO Commission on Social Determinants of Health, 2008) ». Mais encore ?… Rien de tel qu’un exemple : En 2001, il y avait une différence de 7,47 années dans l’espérance de vie à 25 ans des hommes sans diplôme par rapport à ceux ayant un diplôme d’étude supérieure. Les taux de mortalité et de morbidité suivraient systématiquement un gradient socio-économique prononcé. En d’autres termes, les groupes qui se situent en haut de l’échelle, soit les plus instruits ainsi que ceux qui disposent d’un revenu plus élevé et qui ont un statut professionnel plus élevé, ont des taux de mortalité et de morbidité moins élevés que leurs concitoyens d’un statut social moins élevé. Voilà pour les grandes lignes. Une précision supplémentaire qui a pourtant toute son importance : « les ISS ne se réduisent pas à une opposition entre les personnes les plus pauvres et les autres ».
Au contraire, insiste le chercheur, les ISS suivent une distribution socialement stratifiée au sein de la population, où chaque catégorie sociale présente un niveau de mortalité et de morbidité plus élevé que la classe immédiatement supérieure. En d’autres mots, penser le problème des ISS en termes de gradient (et non de dichotomie) évite de le réduire à un problème d’une minorité d’exclus, mais bien de l’élargir à une grande partie de la population, causé par une inégalité dans la distribution des richesses, opportunités, et pouvoirs dans la société. Ceci dit, les deux cas sont reliés, et nous ne pouvons attaquer les inégalités de santé entre les catégories socio-économiques, sans comprendre et intervenir de façon prioritaire sur les facteurs qui touchent les plus défavorisés, s’empresse d’ajouter R. Charafeddine.
Si on parle beaucoup aujourd’hui, les ISS sont loin d’être un phénomène récent, rappelle l’auteur. Déjà au 19ème siècle, les premiers statisticiens de la santé avaient remarqué en Europe que les taux de mortalité dans les zones urbaines à faible statut socio-économique étaient systématiquement plus élevés que ceux des quartiers plus aisés. Mais il fait cependant le constat que, depuis les années 1990, il y a eu un regain d’intérêt pour l’étude des ISS. Celui-ci a été généré par l’accroissement des inégalités sociales de santé en dépit de l’amélioration spectaculaire dans l’état de santé des populations après la seconde guerre mondiale, ainsi que par la publication de certains rapports. Ces inégalités constitueraient aujourd’hui un défi majeur pour les politiques. Et ce, pour deux raisons. D’abord, parce que ces inégalités de santé sont les causes inéquitables et évitables de problèmes de santé dans la population. Ensuite, parce que diminuer le fardeau des problèmes de santé et de bien-être des groupes plus défavorisés pourrait s’avérer la meilleure stratégie pour améliorer la santé de la population dans son ensemble.
Stéphanie Devlésaver, CBCS asbl, 21/10/13