Face aux défis démographiques et financiers, la Belgique ne cesse de réformer son système de pension, mais les réformes racontent bien plus qu’une histoire de chiffres. Kevin Hartmann, chercheur associé à la KU Leuven, et Quentin Detienne, professeur de droit de la sécurité sociale à l’Université de Liège, soulignent la montée de la contributivité, la fragilisation de la solidarité et l’aggravation des inégalités, appelant à penser des alternatives plus justes.
Interview, par Pierre Jassogne et Clara Van Reeth, dans Alter Échos n° 525
“Le débat public se concentre beaucoup sur la soutenabilité financière. Mais il faut tout autant interroger la soutenabilité sociale: est-il souhaitable d’accentuer les inégalités hommes-femmes, de baisser les montants de pension, déjà peu élevés?”
Quentin Detienne, professeur de droit de la sécurité sociale
Alter Échos: Dans les justifications apportées depuis des années par les politiques aux réformes de la pension, il y a notamment le défi démographique et financier auquel la Belgique fait face. Selon vous, les réformes adoptées permettent-elles de répondre à ces défis? Et, si oui, est-ce au prix de l’accentuation de certaines inégalités?
Kevin Hartmann: Les réformes récentes répondent en partie aux défis démographiques et économiques, mais elles risquent d’accentuer certaines inégalités inhérentes au système, car elles n’ont pas été accompagnées de mécanismes redistributifs suffisants. On sait par exemple que les femmes, davantage confrontées au temps partiel ou aux carrières interrompues, perçoivent in fine des pensions moins généreuses. De même, beaucoup d’indépendants n’atteignent pas le seuil d’une carrière complète et voient leurs droits amputés. On a donc trouvé un équilibre financier relatif, mais son coût social est élevé.