BIS n°173/2015 : Au fil de la créativité

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Le fil rouge de ce BIS devait être la créativité, celle que l’humanité déploie depuis la nuit des temps pour avancer, pas celle qui sert de cache-misère aux manques budgétaires. Et pourtant tous ceux que nous avons rencontrés préféreraient sans doute mettre leur créativité au service d’autre chose que ce pour quoi nous les avons interviewés. Ils préféreraient sans doute écrire, dessiner, composer de la musique, faire des photos, des films d’art, cultiver leur potager, explorer de nouvelles voies, imaginer d’autres paradigmes, rêver.

Edito du BIS n°173/2015, par Martine Cornil, CBCS asbl

En rédigeant ces articles, compte-rendus de ces rencontres, me revenaient en boucle les mots de Christine Mahy, directrice du Réseau Wallon de Lutte contre la Pauvreté :
« Toute cette créativité que les pauvres mettent au service de la survie, et elle est immense…, c’est une énergie qui est perdue pour la société »

Ceux que nous avons rencontrés ne se battent pas pour leur propre survie, ils se battent pour une certaine idée qu’ils ont du vivre-ensemble, du bien commun.

Peut-être qu’ils se battent pour la survie d’une idée.

Ils servent de « pansements » sur des plaies de plus en plus importantes, de plus en plus profondes. Ils le savent, ils le disent tous. Il est d’ailleurs intéressant de constater qu’ils émaillent leurs histoires de métaphores médicales.

Qu’est ce qui les motive ?

Un mot revenait en permanence lors de ces entretiens, le mot humanité. C’est une question d’humanité… c’est mon humanité… c’est notre humanité…

Des mots et des questions.
Sur le rôle de l’État, sur la pièce dans laquelle ils jouent finalement, en assumant ce que l’État ne fait plus, ou pas, ou pas assez.
Sur l’éventuelle instrumentalisation de leurs actions, tous ces petits pansements qu’ils distribuent et qui participent peu ou prou au maintien de la paix sociale.
Paix sociale ou anesthésie sociétale ?
Mais pour eux, comme pour tant d’autres, il y a urgence, alors ils sont là, dans la rue, sur scène, dans les réunions de quartier, dans les parcs,…

Ils sont là, tout à côté de ceux que l’on aimerait tant rendre invisibles, de ces autres qu’on aimerait tant garder ignorants, de ceux-là encore qu’on aimerait tant faire taire.
Ils sont là, avec leur énergie, leur créativité, leurs boîtes à outils.

Et ils bossent.
Ils n’ont rien à y gagner.

Plus tard quand ils auront un peu de temps, ils théoriseront peut-être sur ces moments où ils ont refusé de rester au balcon.
En attendant, et sans évacuer la question de la privatisation de l’aide sociale et de ce que cela dit du rôle régulateur de nos institutions, à travers leurs actions, ils posent les seules questions qui vaillent : dans quelle société voulons-nous vivre ? Jusqu’où pouvons-nous accepter la souffrance de l’autre ?

Pour eux, il semble bien que les réponses soient claires.
Et créatives.

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