Une publication du Fraje asbl qui se penche sur la question des émotions dans le champ professionnel, dans le métier relationnel de la petite enfance. Par Isabelle Chavepeyer & Anastasis Korakas, Editions FRAJE asbl, 2019, Bruxelles. En vente à 3 euros.
Gérer ses émotions, qu’est-ce que cela signifie ?
Ce manifeste entend « rendre davantage visible ce qui se joue autour des émotions dans la relation entre le bébé, le jeune enfant, son parent et le professionnel dans les milieux d’accueil collectif. (…) Il veut dépasser ce paradoxe du « Attache-toi (parce que le bébé a besoin d’un lien d’attachement sécure pour grandir) mais ne t’attache pas (parce que tu dois rester professionnel) ».
Comment, en tant que professionnel, se situer par rapport à cela ?
Le FRAJE fait le constat qu’aujourd’hui beaucoup de professionnels sont en difficulté avec cette injonction paradoxale et peu de clés leur sont données pour s’ajuster, sinon la formule magique : « à la crèche, laissez vos émotions au vestiaire ». (voir p. 23). Or, « la crèche du XXIème siècle a besoin de professionnels de la relation, de l’éveil et du soutien à la parentalité ». (voir p. 24)
A la lecture de cette publication, on prend effectivement plaisir à cheminer à travers ce fil rouge des émotions, à le retrouver au cœur de la réflexion. On réalise que ce n’est pas si fréquent. Et, au-delà des éléments de compréhension, on y déniche aussi toute une série de pistes de travail : à travers des réunions cliniques d’équipe, des supervisions, des intervisions, des informations, de la formation continue, …, il est décrit comment les professionnels peuvent trouver une place pour leurs émotions dans le travail relationnel avec le jeune enfant et ses parents. Ceci afin de mieux les appréhender, les vivre en alliées sans craindre d’être débordé.
Pourquoi un Manifeste sur les émotions ?
La littérature présente une quantité foisonnante de publications qui dépeignent la vie émotionnelle du bébé, rappelle le FRAJE. Mais “quand on aborde la question des émotions sous l’angle des professionnels, il y a déjà moins d’écrits et de surcroît, la plupart vont dans le sens d’associer professionnalisme à distance émotionnelle. Or, les bébés construisent leur vie affective dans les interactions qu’ils ont dans une relation proximale avec un adulte de référence. Dans ce sens, ce dernier ne peut pas être à la fois dans la distance et le rapprochement. C’est pourquoi nous défendons, dans ce manifeste, l’idée d’envisager la question des émotions dans toute leur dynamique relationnelle.
Par ailleurs, nous observons au sein des milieux d’accueil du jeune enfant une carence des dispositifs permettant aux professionnels de prendre du recul par rapport à leurs émotions, de les analyser, de leur trouver un espace, de leur consacrer du temps et de leur donner les contours d’un langage. Nous proposons dans ce manifeste de nombreuses possibilités ; ce dernier est un outil pour les professionnels.
Au niveau institutionnel, les émotions sont trop souvent déconsidérées et renvoyées vers une responsabilité individuelle. Pourtant, le système, l’équipe et/ou l’institution, a aussi sa part à jouer dans cette question. Le manifeste propose une lecture systémique des émotions”.
Un manifeste donc :
– Pour rendre visible la dynamique émotionnelle dans la relation entre le jeune enfant, le parent et le professionnel de l’accueil ;
– pour souligner l’engagement humain que demandent les métiers de la petite enfance;
– Pour permettre une lecture systémique des émotions des professionnels et des jeunes enfants;
– Pour soutenir les professionnels dans leur mission de soin et d’accueil;
– Pour servir la réflexion à propos des émotions dans les espaces professionnels : lieux d’accueil et formations.
Public-cible
Tous les professionnels de l’accueil de l’enfance 0-12 ans, enseignants, étudiants, mandataires politiques, les parents, grands-parents et toute personne intéressée par l’accueil de l’enfance et l’éducation.
Extraits choisis :
« Lâcher-prise : On pense à tort que le lâcher prise consiste à se laisser submerger, à s’abandonner aux émotions. En réaction, on veut maîtriser, contrôler pour éviter les « dérapages ». Mais comme le dit Cédric Juliens : « Il est important de comprendre que le lâcher prise n’est pas l’abandon, mais une forme d’acception inconditionnelle de ce qui se joue ici et maintenant. Lâcher prise revient à accueillir ce qi surgit quand on renonce à vouloir tout contrôler » [1]JULIENS C., 2016. Le corps intime. La formation corporelle des soignants. Paris : Seli Arslan éditions, P. 160.. Dans la maison des émotions, à tout moment, il peut y avoir une invitée surprise qui chamboulera, dans une certaine mesure, ce qui était prévu, attendu… et ce n’est pas grave. »
« N’oublions pas les microrythmes, au risque de sombrer dans une routine mortifère. Ils existent entre les macrorythmes. Ce sont ces petites chatouilles de l’âme [2]MARCELLI, D. 2000. La surprise. Chatouille de l’âme. Paris : Albin Michel. » qui font que deux journées ne se ressemblent pas totalement : s’il y a du même, il y a aussi du différent. C’est dans les microrythmes que peuvent prendre place les moments de poésie. Si aujourd’hui il pleut à verse ? Regardons la pluie et prenons le temps d’écouter sa musique. »
Prochaine formation du FRAJE à Bruxelles :
“L’art à la crèche : la poésie du quotidien” (03/03/2020)
À propos du FRAJE
Le FRAJE (Centre de Formation permanente et de Recherche dans les milieux d’Accueil du Jeune Enfant) est une asbl dont la mission consiste en la formation continue des professionnels des milieux d’accueil (0 – 12 ans) d’une part et la recherche en matière d’enfance d’autre part.
Pour plus d’infos :
FRAJE asbl
Rue du Meiboom, 18 à 1000 Bruxelles
Email : info@fraje.be