L’exploitation du travail dans l’associatif : lutter ensemble travailleur.euses, usager.ères !

Efficacité, timing, com’, public, réseau sont les nouveaux mots d’ordre dans le travail associatif. Faire plus en moins de temps, miser sur une forme déterminée par le nombre (partages sur les réseaux sociaux, public accueilli dans les activités). Ce processus englobe tous les secteurs du travail de reproduction et des soins, note Natalia Hirtz, sociologue au Gresea. Dans le patriarcat capitaliste, l’organisation du travail dit « productif » s’impose au travail reproductif et le sabote. Sur base de ce constat [1], la question est : « comment s’organiser collectivement pour arrêter de reproduire ce système et oeuvrer à sa subversion ?

« L’exploitation du travail en milieu associatif – regard féministe », analyse par Natalia Hirz, Gresea, octobre 2022

Souvent représenté comme un îlot qui échapperait à l’économie capitaliste et à la subordination salariale, le secteur associatif génère plus du 5% du PIB et rassemble plus de 12% de l’emploi salarié en Belgique, rappelle la sociologue. Outre l’emploi massif de travail bénévole, ce secteur se caractérise par une surreprésentation des emplois à temps partiel (majoritairement féminin) et un niveau de salaire inférieur à la moyenne. En effet, l’écart entre le salaire moyen dans ce secteur et dans le reste de l’économie avoisine les 15%.

À ces conditions salariales s’ajoutent des formes de financement de plus en plus contraignantes qui, en accord avec les logiques du nouveau management public, priorisent le quantitatif sur le qualitatif. Par exemple, dans le secteur de la santé, le financement est conditionné à la quantification des actes, alors que dans les associations socioculturelles, d’action sociale, écologique ou urbaine, les formes de financement structurel laissent la place aux appels à projets et à la vente de services. Les impacts sont nombreux pour les travailleur·euses : mise en concurrence entre associations ; surcharge de travail administratif au détriment du temps de travail nécessaire à la réalisation des missions de l’association ; développement de projets ne correspondant pas à ces missions, mais aux besoins des pouvoirs subsidiant ; ou encore, remplacement des coordinateur·ices de terrain par des managers dont l’objectif est l’extension de la structure associative.

Un bref retour par l’histoire revient sur l’émergence des secteurs associatifs pour pallier aux nouveaux besoins publics ou « nouvelles questions sociales« . Ce développement associatif sera plus important dans les secteurs jugés peu rentables par le capital privé. Dans une société où les hommes continuent à s’exempter du travail de reproduction, les femmes sont envoyées sur un marché du travail (précaire) sans possibilités de trouver un remplacement pour le travail de reproduction.

Existerait-il un lien entre la professionnalisation des militants/collectifs et l’affaiblissement des dynamiques de lutte ?, s’interrogent Lily Zalzett et Stella Fihn, les autrices de l’ouvrage « Te plains pas, c’est pas l’usine ». De plus en plus sollicité·es par l’associatif pour réaliser le travail d’accompagnement social, les militant·es n’ont plus le temps d’œuvrer au développement d’un rapport de force pour l’obtention de droits, soulignent-elles. La lutte est ainsi neutralisée par un travail social constant. Et produit des « chaînes de care mondialisées ».

Quelles formes d’organisation collectives ?

Comment enrayer cette reproduction des rapports de domination et d’exploitation ? Natalia Hirz rappelle qu’il existe des formes d’organisation dans le monde associatif belge à partir desquelles rompre l’isolement des travailleur.euses et remettre en cause l’ordre existant. A titre d’exemple, elle cite le collectif Travail social en lutte. Principalement formé par des travailleur·euses du secteur, il cherche également à regrouper des « usager·es » dans la lutte pour un refinancement du secteur et contre les logiques de rentabilité.

Parce que ce rapport de force est aussi à construire avec les usager.es, l’article insiste sur ces types de combats qui, en subvertissant la frontière entre « assistant·es » et « assisté·es » / « travailleur·euses » et « usager·es », offrent des espaces potentiels pour penser et lutter ensemble contre la reproduction des rapports existants.

Accès à l’E-dossier pour approfondir la question : « Te plains pas, c’est pas l’usine. L’exploitation en milieu associatif »

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