Et si les propriétaires faisaient partie de la solution ? Le collectif Badala (Bailleur·ses Acteur·ices du Droit Au Logement Abordable), lancé en 2025, invite les propriétaires à s’engager pour des loyers justes à Bruxelles. En signant une charte, ils/elles s’engagent à respecter leurs obligations légales et à suivre les recommandations du collectif. Un changement de cap nécessaire face à une crise du logement qui grappille toujours plus de terrain.
Interview de Laurent d’Ursel, porte-parole du collectif Badala, réalisée par Adeline Thollot, journaliste, juin 2025
CBCS : D’où vous est venue l’idée de Badala ?
Laurent d’Ursel : 62 % des Bruxellois·es sont locataires. Actuellement, les problèmes de logement logement touche une part de plus en plus large de la population. Au syndicat des Immenses (personnes en non-logement ou en mal-logement), on s’en réjouit de manière cynique. Cela veut dire que les personnes sans-chez-soi ou en grande précarité ne sont plus les seules à être concernées. On va enfinpouvoir mettre la question du logement abordable au centre des débats politiques et sociétaux.
CBCS : Quelles missions se donne le collectif ?
LU : L’objectif est de créer un syndicat qui fédère, mobilise et visibilise les propriétaires-bailleur·ses qui s’engagent à respecter une charte, édictée par le collectif. L’idée principale des recommandations est de considérer le logement comme répondant à un droit inscrit dans la Constitution, et non comme un investissement financier. Les propriétaires ont des devoirs, même si souvent, ils les ignorent. Ils sont soumis à des obligations légales : principe de non-discrimination au moment de la sélection des locataires, mise en conformité du logement, garantie locative de maximum deux mois, etc. … En termes de recommandations, on demande que le bien soit exclusivement loué pour de l’habitation et pas pour du tourisme. En mettant la pression sur les loyers, les Airb&b, les colivings ont fait du mal au marché locatif bruxellois et à celui des grandes villes européennes de manière générale. On souhaite aussi sensibiliser aux Agences Immobilières Sociales. Pour une période déterminée, les AIS déchargent les propriétaires-bailleurs de la gestion, garantissent un revenu fixe et transforment un bien en logement à vocation sociétale.
« Dans le marché locatif bruxellois, les locataires méconnaissant leurs droits et les propriétaires ignorent leurs devoirs »
Laurent d’Ursel, BADALA

CBCS : Qui représente les propriétaires actuellement ?
LU : Il existe un syndicat des propriétaires au niveau fédéral : le SNPC. Aujourd’hui, c’est l’unique interlocuteur des autorités. Tous les propriétaires sont loin de se reconnaître dans l’ADN de ce syndicat qui appréhende le logement via un prisme unique : un investissement financier. Ce que nous voulons défendre avec Badala, c’est la responsabilité sociétale des propriétaires. Certain·es semblent déjà acquis à la cause puisque tous n’augmentent pas les prix des loyers. Et pour les autres, on veut créer de nouvelles vocations ! Évidemment, ce ne sont pas les bailleurs privés qui vont résoudre à eux seuls la crise du logement, il faut que des mesures politiques soient prises en parallèle, comme la rénovation et la construction de logements sociaux.
CBCS : Certaines décisions vont dans le bon sens, notamment l’ordonnance du 10 avril 2025 votée au Parlement bruxellois. Elle vise à instaurer une commission paritaire locative et à lutter contre les loyers abusifs.
LU : Oui, la secrétaire d’Etat à la Région de Bruxelles-Capitale en charge du logement, Nawal Ben Hamou, a permis des avancées dans la bonne direction, notamment en rééquilibrant très légèrement le rapport de force bailleur-locataire. Par exemple, les nouveaux contrats de bail doivent mentionner le montant du loyer du locataire précédent, ce qui permet plus de transparence et moins d’abus. Néanmoins, il faut prévoir des mécanismes contraignants, car pour l’instant, l’impunité est absolue. C’est désormais le rôle de la Commission Paritaire Locative dont les bailleur·ses peuvent se saisir s’ils/elles jugent le loyer abusif (dépassant de 20% le loyer de référence sans justification). Si la CPL émet un avis de révision du loyer et que le propriétaire ne veut pas s’y plier, il est possible pour le locataire de solliciter la révision du loyer auprès du juge de paix. Les locataires peuvent également saisir la justice directement.
CBCS : A chaque avancée vers une régulation du marché de l’immobilier à Bruxelles, le SNPC crie au scandale, dénonce une grille des loyers « truquée », la possibilité pour les locataires de faire “chanter leurs bailleurs”. Mais bientôt, il ne parlera plus au nom de tous les propriétaires. Avec le syndicat Badala, une autre voix s’élève. (Elle pourrait bien faire la différence !)
Vous souhaitez rejoindre le mouvement ? Envoyez un mail à info@badala.be