Emploi des jeunes au rabais

Communiqué du Collectif Solidarité Contre l’Exclusion Asbl

Emploi des jeunes au rabais : le Parlement bruxellois ne doit pas renoncer à ses compétences

1. Six députés bruxellois, représentant les partis de la majorité, veulent faire adopter en toute urgence (discussion en commission ce jeudi 25/6/15) une proposition d’ordonnance « relative au stage de transition en entreprise » (cf Annexe A, ci-dessous). Le Collectif solidarité contre l’exclusion (CSCE) Asbl, qui dénonce et lutte contre les chasses aux chômeurs depuis plus de dix ans, appelle les parlementaires à rejeter ce texte, qui revient à retirer au Parlement régional toute compétence en matière d’organisation de ce dispositif de mise au travail au rabais des jeunes. Une telle décision témoignerait d’un immense mépris par rapport à la situation précaire des jeunes concernés.

2. Les auteurs de la proposition d’ordonnance (B. Clerfayt (FDF), I. Emmery (PS), H. Fassi-Fihri (CdH), S. Cornelis (VLD), P. Delva (CD&V) et E. Roex (SPA)) indiquent que le motif de leur proposition est notamment de permettre « au Gouvernement d’assouplir les conditions d’accès aux stages de transition ». Comme l’indique les témoignages de stagiaires que nous avons recueillis et publiés (cf Annexe B, ci-dessous), le Collectif solidarité contre l’exclusion Asbl estime que ces « stages » constituent une forme de mise à l’emploi déguisée et sous-payée. Au lieu de donner au gouvernement un blanc seing pour les étendre, le parlement bruxellois devrait avant toute chose réaliser une évaluation des « stages de transition » en entreprise, entendre l’ensemble des acteurs concernés, dont les interlocuteurs sociaux, et dans un second temps décider soit de supprimer les stages de transition soit d’adopter lui-même un dispositif organisant ces stages.

3. Pour rappel, les « stages de transition en entreprise » constituent une forme de mise à l’emploi de jeunes (créée en 2013 par Mme Monica De Coninck) pour un coût patronal de 200 euros/mois et une rémunération mensuelle de 860 euros. La différence étant à charge de la sécurité sociale. Il existe en conséquence un risque très important que ces stages, actuellement promus par la région bruxelloise dans le cadre de sa « garantie jeunes », remplacent des emplois payés selon les barèmes (dont le coût patronal est huit fois supérieur – cf détail dans l’Annexe C, ci-dessous). Le gouvernement Vervoort-Gosuin n’a à ce stade publié aucune évaluation de ce dispositif pour lequel la compétence réglementaire a été transférée à la région par la VIe Réforme de l’Etat.

4. Il est à noter que si l’extension du « stage de transition » évoquée par les auteurs de la proposition vise des jeunes de moins de 30 ans titulaires d’une allocation de chômage forfaitaire (bénéficiant d’une allocation de 818 euros/mois pour un isolé), ce dispositif risque d’être très peu intéressant financièrement pour ces jeunes et dès lors de n’être accepté que sous la menace de sanctions, alors que ces stages ne correspondent pas à ce que l’ONEM définit comme des « emplois convenables », dont l’acceptation est obligatoire pour conserver le bénéfice des allocations. La future réglementation régionale risque ainsi de générer encore plus de sanctions et d’exclusions que celle de l’ONEM. Il en va de même si, sur base de cette ordonnance, le gouvernement bruxellois élargit l’accès aux stages de transition à des jeunes bénéficiant d’un revenu d’intégration sociale (en dehors de ceux qui le reçoivent tout en étant en stage d’insertion).

5. Le Collectif Solidarité Contre l’Exclusion Asbl, reprend à cet égard les revendications du Réseau Bruxellois de Collectifs de Chômeurs/es, dont il est membre, qui estime que ces stages doivent être évalués et s’ils sont maintenus, doivent faire l’objet de mesures d’encadrement faisant en sorte :

5.1. que ces « stages de transition » donnent lieu à une rémunération des jeunes conforme à celle de la fonction exercée dans l’entreprise et dans le respect des barèmes appliqués aux autres travailleurs ;

5.2. que la Région utilise ses nouvelles compétences réglementaires en matière de stages de transition pour les assortir (comme c’était le cas pour les « stages d’insertion en entreprise» qui ont précédé) d’une obligation d’embauche à l’issue du stage pour une durée équivalente au stage ;

5.3. que l’engagement de stagiaires successifs par le même employeur soit interdite, afin d’éviter le remplacement pérenne de postes d’emplois par des postes de stagiaires.

5.4. qu’une part plus importante de la rémunération soit mise à charge de l’employeur.

5.5. de conditionner, pour chaque poste particulier, l’engagement dans les entreprises de travailleurs/ stagiaires sous ce type de statuts à un accord préalable des organisations syndicales.

Au cas où la discussion du projet d’ordonnance serait poursuivie, le CSCE demande aux parlementaires d’intégrer de telles balises au sein même de l’ordonnance.


6. Le CSCE estime regrettable la manœuvre de la majorité bruxelloise, qui à travers l’adoption expresse de cette ordonnance sous forme d’une proposition parlementaire, vise à éviter les remises en causes qui pourraient émaner des avis du Conseil d’Etat et du Conseil économique et social. La précipitation avec laquelle la majorité entend faire adopter cette ordonnance, en l’absence de toute évaluation préalable, d’auditions et d’un véritable débat public est d’autant plus regrettable qu’une partie des partis qui la composent, dans l’opposition au niveau fédéral, dénoncent au même moment une pratique similaire concernant la réforme des pensions.

7. Le CSCE est également inquiet par rapport aux impacts financiers pour la Région bruxelloise de cette proposition d’ordonnance, que la majorité voudrait faire adopter à la hâte. Au cas où le gouvernement ouvrirait l’accès aux stages de transition à des demandeurs d’emplois indemnisés ou à des personnes bénéficiant du revenu d’intégration sociale sans être en stage d’insertion, comme l’ordonnance le permet, une telle mesure pourrait revenir à substituer une prise en charge financière de la seule région bruxelloise à une solidarité financière assurée par la sécurité sociale fédérale.

8. Plutôt que de développer la mise à l’emploi des jeunes au rabais sous forme de pseudo-stages, plutôt que de développer les cadeaux aux employeurs, qui maintiennent les jeunes dans la précarité et fragilisent l’ensemble des statuts des travailleurs, le Collectif Solidarité Contre l’exclusion demande au Parlement régional de réorienter les importants moyens transférés dans la cadre de la VIème réforme de l’Etat vers le soutien à la création d’emplois public et non-marchand de qualité (payés selon les barèmes sectoriels) et accessibles aux Bruxellois (jeunes ou « vieux »).

9. Si les parlementaires de la majorité devaient adopter de façon précipitée ce projet d’ordonnance, par lequel ils se dessaisissent de l’ensemble de leur capacité d’encadrer les « stages de transition », ils apporteraient par cet acte la preuve de leur désintérêt et de leur mépris pour les jeunes concernés par ces dispositions et plus globalement pour l’organisation du marché de l’emploi bruxellois.

Collectif Solidarité contre l’Exclusion (CSCE)

www.ensemble.be
Contact : Yves Martens, Coordinateur, yves@asbl-csce.be , gsm : 0475.83.48.04

Annexes :

A. Le projet d’ordonnance est disponible sur le site du Parlement bruxellois


http://weblex.irisnet.be/data/crb/doc/2014-15/127005/images.pdf

B. Témoignages de deux stagiaires de transition en entreprise en région bruxelloise, recueillis et publiés pas le CSCE Asbl + analyse globale de la garantie jeunes.

www.asbl-csce.be/journal/ensemnle85chomage34

www.asbl-csce.be/journal/84chomage16lismond.pdf

C. Stages de transition : qui perd et qui gagne?

Quelle est la différence pour les divers acteurs (employeur, jeune, Sécurité sociale et Etat) entre une mise au travail « normale» (dans le respect des barèmes) dans un de ces postes et une mise au travail dans le cadre de ces «stages»? Pour y répondre, il faut distinguer selon l’âge du jeune et le secteur («Grands magasins» ou «Commerce alimentaire»). Pour nous en tenir à l’hypothèse la moins défavorable, nous pouvons comparer la situation de «Alain» et de «Paul».
Alain, 19 ans décroche un emploi de caissier dans un Carrefour Express. Paul, 19 ans, est placé par Actiris dans un stage de transition de caissier dans le Carrefour Express où travaille Alain. La comparaison est éclairante. A 200 euros par mois de coût patronal total (quels que soient le secteur et l’âge), le stagiaire de transition a un prix imbattable. Paul coûte huit fois moins cher à son employeur qu’Alain. En outre, Paul gagne pour le même travail 397 euros nets de moins qu’Alain.
Dans ce cadre, il y a peu de chances que l’employeur engage encore pour ce type de fonctions en respectant les barèmes. Même si Alain est deux fois plus productif que Paul, c’est sans comparaison pour l’employeur avec la différence de coûts… Tout cela aux frais de la Sécurité sociale (et de l’enveloppe des aides à l’emploi désormais régionalisée)

a. «Paul » : Mis à l’emploi dans le cadre du stage transition « garantie emploi jeune » à temps plein durant un mois.
Employeur : – 200 euros
Employé net : + 860 euros
Sécurité sociale : – 660 euros
Etat (IPP) : 0 euros

b. « Alain » : Mis à l’emploi selon le barème à temps plein dans le secteur du commerce de détail alimentaire (CP202)
durant un mois (jeune de 19 ans – ancienneté 0).
Employeur : – 1.776 euros
Employé net : + 1.257 euros
Sécurité sociale :+ 300 euros
Etat (IPP) : + 218 euros

c. Bilan Comparaison de « Paul» avec « Alain»
Employeur : gain de 1.576 euros
Employé : perte de 397 euros
Sécurité sociale : perte de 960 euros
Etat : perte de 218 euros

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