A défaut de journal papier, je suis le fil de l’actualité sur mon écran. Le bruit est assourdissant, le flot ininterrompu. Informations, images, notifications, alertes, rappels, discours, indignations, polémiques, slogans... Dans le tumulte, 5 petites lettres noircissent obstinément ma vue. T.R.U.M.P… Comme des chiures de mouche que j’aurais oublié d’essuyer. Même après un bon coup de chiffon, elles s’incrustent, s’étalent un peu plus, dédaigneuses. La National Science Foundation, qui supervise la recherche scientifique, aurait reçu une liste d’une centaine de mots « suspects » de la part de l’administration américaine, m’informe le quotidien Le Soir. Parmi lesquels on retrouve transgenre, handicap, femme, enceinte, discrimination, réchauffement climatique… L’ordre est de « suspendre tout programme qui y ferait référence, dans l’attente d’une réévaluation par la nouvelle administration ».

Cette censure idéologique qui vise les domaines de recherche sur la santé, le climat, la diversité, le genre et les inégalités sociales n’est pas restée sans réaction. Une mobilisation mondiale a eu lieu le 7 mars dernier pour soutenir les scientifiques : « stand up for science » !, s’est exclamée d’une seule voix la communauté scientifique, reliée au-delà des frontières. Moi, sans être chercheuse, ça me donne juste envie qu’on se joigne au mouvement, avec nos propres « écosystèmes » : savoirs graphiques, plastiques, poétiques, philosophiques… Et plus encore ! Pour faire rempart, tel·les des géant·es. Ma collègue se demandait : « le monde qui s’étouffe, est-ce progressif, comme une rivière qui s’assèche lentement, ou est-ce brutal, comme une porte qui claque et condamne l’air derrière elle ?... Sans force collective, on laissera hurler la « frénésie militariste » (1)... Elle aura bien vite réponse à sa question.