Une salle de consommation à moindre risque, c’est une affaire de droits humains

Communiqué de la Fédération bruxelloise francophone des institutions pour toxicomanes. Carte-blanche initialement publiée sur le Guide Social le 26 septembre 2018.



Une salle de consommation de drogues à moindre risque (SCMR) est ouverte : à Liège, désormais, les droits humains des usagers de drogues sont un peu plus reconnus qu’ailleurs en Belgique. Car l’accès à la santé constitue, rappelons-le, un droit inaliénable de l’homme et de la femme.

En octobre 2010, M. Grover recommandait l’installation de salles de consommation à moindre risque. M. Grover n’était pas n’importe qui ! M. Grover était le Rapporteur spécial à l’ONU sur le droit de toute personne au meilleur état de santé physique et mentale. Et M. Grover recommandait des interventions comme les programmes d’échanges de seringues, la prescription de médicaments de substitution ou encore l’installation de salles de consommation de drogues.

Plus fondamentalement, M. Grover s’était alors fait le fervent défenseur de la décriminalisation de l’usage et de la détention de drogues. Il imputait au système toujours actuel de lutte contre la drogue d’« innombrables violations des droits de l’homme ». Il dénonçait le « véritable mythe » qu’est l’objectif d’un monde sans drogue, avant de prévenir que les menaces de sanction pénale risquent de dissuader les consommateurs de drogues de se faire soigner, tout en en perpétuant la stigmatisation. Il nous faut, disait le Rapporteur spécial, un véritable « changement de paradigme » pour réaliser l’objectif premier de la Convention unique sur les stupéfiants de 1961, qui est d’assurer la santé physique et mentale de l’humanité.

La Belgique a pourtant choisi la stratégie inverse, de manière invariable, depuis près de cent ans. Et que ce soit l’échange de seringues, les traitements de substitution, ou les salles de consommation à moindre risque (SCMR), chaque nouveau dispositif a dû se créer à la marge de la légalité.

Forcément, on ne peut pas comparer la Belgique aux Philippines sous la présidence de Duterte, où les usagers de drogues sont purement et simplement éliminés, par dizaines de milliers, par la police ou des milices privées… Mais on ne peut pas non plus comparer la Belgique à la Suisse, aux Pays-Bas, au Luxembourg, à l’Allemagne ou encore à la France… Car ces États et bien d’autres ont permis la mise en place de SCMR.

Ce n’est pas le cas de la Belgique : Liège a mis en place un tel dispositif, mais ce dernier est encore hors-la-loi. Il ne fait (pour le moment) pas l’objet de poursuites, mais il n’est pas autorisé pour autant. Il est l’objet d’une résolution de la Région Wallonne, mais d’aucune autorisation par l’État belge. Or, c’est l’État qui fixe la loi.

Cette loi date du 24 février 1921. À l’époque, le législateur voulait lutter contre les fumeries d’opium, et sanctionner la facilitation de la consommation de drogues : « Seront punis (…) ceux qui auront facilité à autrui l’usage (…) des [drogues illégales], soit en procurant à cet effet un local, soit par tout autre moyen, ou qui auront incité à cet usage. » C’est ainsi qu’une disposition prise au sortir de la première guerre mondiale ( !), à l’encontre de la mise à disposition d’un local facilitant la consommation d’opium, a empêché jusqu’à aujourd’hui la mise en place de SCMR. Et tant pis si les SCMR avaient démontré depuis plus d’une génération leur plus-value…

Permettre la consommation de drogues en un lieu supervisé notamment par des infirmiers et des assistants sociaux, c’est pourtant aider à sortir les consommateurs de la clandestinité et de l’exclusion des soins ; c’est réduire les risques d’overdose mortelle ou d’infections diverses ; c’est augmenter les possibilités d’orientation vers le réseau socio-sanitaire ; c’est rendre possible les premiers pas d’une réinsertion sociale pour des personnes majoritairement à la marge.

Plus fondamentalement, permettre la consommation de drogues en un lieu supervisé, c’est faire respecter les droits humains. Au XXIème siècle, les droits de l’homme et de la femme consommateur.trice de drogues sont encore bafoués, et pas seulement ailleurs qu’en Belgique.

Sébastien ALEXANDRE

Directeur

FEDITO BXL asbl – Drugs & Addictions Brussels

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