L’austérité et la commercialisation fragilisent nos systèmes de santé. Des remèdes existent !

Carte blanche de la Plateforme d’action Santé et Solidarité (PASS), dont le CBCS est membre.


Le 7 avril est la journée mondiale de la santé. Cette année, la crise sanitaire liée au coronavirus est l’occasion, pour la Plateforme d’action Santé et Solidarité, de mettre en lumière les problèmes structurels vécus par les professionnels de la santé et les patients, et de poser cette question politique : quel système de santé voulons-nous pour demain ?

Pour répondre à cette question, il faut commencer par porter un regard sur le système dont nous avons hérité globalement en Belgique et en Europe. Notre modèle de santé fondé sur « l’État social », basé sur la solidarité et financé par les cotisations sociales, a évolué vers un modèle laissant de plus en plus de place aux logiques de commercialisation, de privatisation et de gestion managériale.

Comment en est-on arrivé là ? Les coupes budgétaires appliquées au secteur de la santé et du bien-être ont pris un tournant particulièrement sévère ces dernières années. Les gouvernements successifs ont décidé d’abaisser la norme de croissance annuelle à ne pas dépasser pour les dépenses de soins de santé de 4,5% sous le gouvernement Verhofstadt, à 3% sous le gouvernement Di Rupo, puis 1,5% sous le gouvernement Michel. Si on additionne à cela les économies nettes réalisées en parallèle, on obtient une réduction budgétaire de 3 milliards d’euros dans les soins de santé en 5 ans.

La pression de ces économies a poussé les prestataires de soins à chercher de nouvelles sources de financement tels que les suppléments d’honoraires, la facturation de prestations non remboursées ou encore… à se déconventionner. Les coûts à charge des patients ont augmenté, entraînant le développement des assurances privées, l’augmentation des primes et de la médecine duale. La diminution de la durée de certaines hospitalisations, comme en maternité entre autres, provoque une déshumanisation des pratiques de soins et des cadences insoutenables pour les travailleuses et les travailleurs de la santé. Le fait que la moyenne de patient-es par infirmier-e est plus élevée en Belgique (10,5) que dans le reste de l’Union européenne (9) n’est pas étranger au nombre toujours plus élevé de burn-out parmi le personnel soignant.

En Belgique, mais aussi en France, au Pays-Bas, en Espagne, en Italie… les professionnels de la santé dénoncent le manque de moyens humains et financiers ainsi qu’une gestion du secteur focalisée à l’excès sur des objectifs budgétaires au détriment de la mission de soins. Le nombre de mouvements, de manifestations voire de grèves au cours de ces derniers mois en témoigne largement.

Il faut aussi se rappeler que la santé se définit par « un état général de bien-être physique, mental et social ». Cela implique d’une part, que nous devons garder à l’esprit que le réseau de soins ne se limite pas à l’hôpital. Les secteurs des aides et des soins à domicile ainsi que celui des maisons de repos et de soins, occupent une place de plus en plus importante, dans un contexte de vieillissement de la population. A nouveau, force est de constater que ces secteurs sont insuffisamment financés et souvent l’objet d’une commercialisation nuisible à l’accessibilité financière, à la qualité des soins ainsi qu’aux conditions de travail du personnel.

D’autre part, il faut bien mesurer que la santé dépend considérablement de nos modes de vie collectifs, de nos conditions de travail, de notre environnement, de notre logement… Autant de déterminants sociaux, par ailleurs très influencés par les inégalités sociales et les inégalités de genre notamment.

La vision libérale européenne nuit à la santé

Si le constat qui précède est semblable dans tous les pays d’Europe, c’est parce que ceux-ci sont soumis à la même influence de la doctrine néo-libérale et à la primauté des objectifs économiques, ce qui s’incarne notamment dans les deux mécanismes suivants :

  • 1. Le semestre européen vise à contrôler le strict respect de la discipline budgétaire des Etats. Un État qui s’écarte du chemin budgétaire tracé est amené à devoir couper dans ses dépenses, notamment en soins de santé qui, pourtant, relèvent de la compétence exclusive des Etats membres.
  • 2. Les règles comptables européennes (SEC2010) interdisent désormais aux administrations publiques (hôpitaux inclus) d’étaler le remboursement d’un emprunt dans le temps. Ceci plombe les finances des Etats et les empêche de réaliser de nouveaux investissements publics dont la santé devrait bénéficier.

Illustrons l’impact de ces mécanismes sur le secteur des maisons de repos (MR-MRS) dont le nombre de lits doit pourtant augmenter pour faire face au vieillissement.

  • 1. Le semestre européen interdit aux communes et régions d’augmenter les budgets pour ouvrir de nouvelles places.
  • 2.Les règles comptables les empêchent d’emprunter de l’argent pour construire de nouvelles maisons de repos. Conséquence : les autorités sont contraintes de se tourner vers les opérateurs commerciaux…

Ajoutons à cela le dumping social ainsi que, l’évasion et la concurrence fiscales pratiqués en Europe et on obtient la recette européenne de la commercialisation de la santé :

  • 1. assécher les budgets (austérité, évasion et concurrence fiscales) ;
  • 2. empêcher les investissements publics (SEC2010) ;
  • 3. laisser les opérateurs commerciaux pénétrer le « marché » de la santé au nom de la sacro-sainte « libre concurrence ».

Le Covid-19, révélateur de la dérive des politiques de santé !

Le coronavirus contribuera-t-il à éveiller l’opinion publique et à forcer un changement profond dans la hiérarchie de nos valeurs et de nos priorités politiques ? Le réseau que nous représentons exige une rupture claire avec l’austérité et la commercialisation de la santé. Il réclame une vraie politique de santé publique avec une vision à long terme.

A cette fin, nous appelons les décideurs politiques belges et européens à créer un système européen de « santé publique » solide grâce à un financement adéquat, solidaire, de qualité et accessible à toute la population. Ce système doit être financé par des ressources publiques, par le biais d’impôts ou de cotisations sociales (selon les pays). Il faut fournir une réponse globale et universelle aux besoins de santé et investir davantage dans la santé publique, la prévention, le dépistage, la protection, seule politique efficace pour lutter contre les épidémies. Ce système doit également être fondé sur la solidarité au sein de la population et entre les pays européens, plutôt que sur les intérêts privés d’actionnaires ou de prestataires avec un but lucratif.

En outre, nous demandons aux États européens d’adopter une stratégie plus résolue pour négocier les prix des nouveaux médicaments et équipements médicaux. La recherche doit également être davantage financée par le secteur public, ce qui permettrait de limiter les droits des brevets et de réduire le prix des spécialités pharmaceutiques.

Les décisions et processus décidés au niveau européen par la Commission et le Conseil européen des ministres des Etats membres s’avèrent inacceptables pour garantir notre “État social”. L’Union européenne ne peut se réduire à n’être qu’une entité de contrôle économique qui conduit à l’austérité au profit de la finance et des entreprises transnationales.

L’UE doit devenir une véritable entité politique chargée d’organiser davantage qu’aujourd’hui la solidarité sociale et la coopération entre les Etats membres, notamment face aux crises sanitaires. A cet égard, en seront garants des services publics et non-marchands forts, capables d’aider la population à faire face aux aléas de la vie en en garantissant l’accessibilité à toutes les populations. Le Parlement européen, représentant des peuples, doit y avoir un pôle prépondérant. Nous demandons au gouvernement belge de jouer un rôle plus important dans la réalisation de cette solidarité et de cette coopération européenne.

Le 7 avril, journée mondiale de la santé, nous appelons les professionnels de la santé, les associations… mais aussi toute la population à se mobiliser à l’occasion de la « Journée d’action contre la commercialisation de la santé ».

Toute concentration étant impossible cette année, le mardi 7 avril sera une action « drap blanc » ! De quoi s’agit-il ?

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