Débat politique : la parole aux citoyens

Foyer du Théâtre Varia, le 8 mai 2019, 19 heures. Un débat préélectoral réunit des représentants des 6 principaux partis démocratiques francophones (Ecolo, PS, MR, PTB, DéFI, cdH). Les questions sont posées par des personnes vivant la pauvreté au quotidien.


L’événement était organisé par le Centre de Service Social de Bruxelles Sud-Est, le Théatre Varia, Refresh, le Siréas, le CIRÉ, la Maison médicale Couleur Santé, le CBCS, Habitat et rénovation, le Centre social protestant et le Pivot.

La parole aux citoyens

Sous-titré « la parole aux citoyens », son organisation a mobilisé les associations de première ligne co-organisatrices pour un travail préalable d’éducation permanente avec leurs usagers.

Ce sont en effet ces derniers qui ont directement posé leurs questions à Delphine Chabbert (PS), Marie Nagy (DéFI), Zoé Genot (Ecolo), Louis de Clippele (MR), Nabil Boukili (PTB) et Pierre Kompany (cdH). La modération était assurée par Pierre Coopman (SOS Faim).

Ce type de débat est fondamentalement salutaire dans une campagne électorale : les questions et réactions sont moins policées, moins institutionnelles, plus « cash ». Les citoyens se réfèrent à leur vécu, et non à une construction théorisée des problématiques abordées. Et ils ne supportent pas la langue de bois : « Monsieur, je vous ai demandé si votre parti pouvait faire bouger les lignes, je vous le redemande ! ».

Certains représentants politiques ont eu plus difficile avec ce fonctionnement, traduisant moins concrètement que d’autres les phrases étudiées au millimètre de leur programme :
Lutter pour un environnement de meilleure qualité ? « Grâce au cdH, la forêt de Soignes est classée patrimoine mondial par l’UNESCO ! ». Merci, dis …
Un meilleur logement pour les plus pauvres ? Ecolo et MR s’entendent pour renforcer les aides à la rénovation accordées (forcément) aux propriétaires. Bon, et après … On augmente les loyers ?
Lutter contre la pauvreté ? Pour le MR, c’est synonyme de baisser le taux de chômage en facilitant les démarches des demandeurs d’emplois. OK, les aider à « traverser la rue », quoi !

Si la migration, le climat, l’éducation ont été abordés, nous portons ici le focus sur la lutte contre la pauvreté.

Comment améliorer l’accès au droit sociaux ?

A Bruxelles, environs 31% de la population vit en dessous du taux de risque de pauvreté. Cela veut dire que 31% de la population vit avec moins de 1.115€ par mois. Ce sont les allocataires sociaux, les personnes au CPAS, les personnes au chômage, à la mutuelle, mais même les personnes qui travaillent, à temps partiel ou avec un salaire très bas. Ce manque de revenus pose énormément de difficultés, cela questionne notamment l’accès au droit des personnes les plus pauvres de notre région.
On peut évoquer les inégalités en termes de logement. Se loger à Bruxelles coûte cher. Les prix dans le privé dépassent les moyens des ménages à faibles revenus et il y a trop peu d’offre de logement social que pour pouvoir enrayer la demande. La solution pour les gens ? Accepter un logement insalubre ou trop petit, ou bien s’éloigner de Bruxelles.
Lorsque l’on a peu de revenu, l’accès à la santé est également compliqué. Selon une enquête de Solidaris, 4 personnes sur 10, en Wallonie et à Bruxelles, ont déjà reporté des soins de santé par manque de moyen. Le prix des médicaments, le dépassement d’honoraire, le coût des spécialistes… Tout ça entraîne des frais qui ne font que décourager les patients à aller se soigner ou qui les endettent car ils ne savent pas rembourser.
Le surendettement, justement, est une autre conséquence logique de ce manque de moyen financier. Après avoir payé les frais de logements ou de soins de santé, le portefeuille devient bien vide et les personnes qui subissent le plus les conséquences de la perte de pouvoir d’achat sont souvent les plus pauvres.
Après ce constat, la question est plutôt simple et directe : « Si vous êtes élus, que promettez-vous de faire pour améliorer l’accès au droit fondamentaux pour les personnes les plus pauvres en Belgique et à Bruxelles ? »

Delphine Chabbert (PS)
Le logement social est un droit fondamental qui n’est pas respecté pour tous les Bruxellois. Il faut réorienter les moyens publics vers les personnes qui en ont le plus besoin. Bruxelles est la Région où il y a le plus de locataires et donc il faut affecter plus de moyens publics pour aider les locataires.
D’abord, les logements sociaux : on va imposer un minimum de 15% de logements sociaux par commune. Ensuite, nos plaidons pour la création d’un fonds universel pour la garantie locative géré par la Région. Quant à la rénovation, il est scandaleux de constater que certaines personnes dépensent aujourd’hui plus en factures énergétiques qu’en loyer ! Nous proposons un plan ambitieux de rénovation centrée sur l’isolation des bâtiments de logements sociaux. La régulation du marché locatif est également une priorité : il faut enrayer la flambée des prix des loyers en rendant la grille indicative du prix des loyers – elle existe – contraignante. Enfin, il faut activer la possibilité de réquisition des logements vides : les outils existent, il faut les appliquer.

En matière de santé, pour tout le monde : gratuité de la visite chez le médecin généraliste, meilleur remboursement des soins dentaires et psychologiques et suppression du ticket modérateur (pour ne plus devoir avancer l’argent de la visite et attendre le remboursement par la mutuelle).

Tout cela peut être financé à condition de taxer les revenus globalement (additionner les revenus du travail, du capital et des loyers), de mieux lutter contre la fraude fiscale et de créer un impôts sur les grands patrimoines.

Louis de Clippele (MR)
En matière d’aide au logement, on a un problème en Belgique : en termes d’assistance aux personnes nécessitant une allocation sociale, les conditions et montants sont les mêmes partout, alors que l’on voit que le prix des loyers est plus élevé à Bruxelles que dans les deux autres régions du pays. Le MR propose une allocation loyer pour les personnes qui ont ce besoin. Nous sommes également favorables au développement des Agences immobilières sociales. Ce partenariat public-privé va beaucoup plus vite que la construction de nouveaux logements sociaux et coûte 4 fois moins cher.

En matière de lutte contre la pauvreté, le principal problème auquel il faut s’attaquer est le haut taux de personnes sans emploi. Pour l’instant le parcours d’une personne demandeuse d’emploi est ardu. On propose d’uniformiser le parcours, afin de l’optimaliser. Nous devons favoriser le partenariat entre la société civile et la personne demandeuse d’emploi pour l’accompagner dans ses démarches. C’est en luttant contre le non-emploi qu’on réglera toute une série de problématiques.

Nabil Boukili (PTB)
Les causes de la pauvreté, ce sont des choix politiques. Quand le gouvernement fédéral MR-NVA décide d’accentuer la dégressivité des allocations de chômage, on ne crée pas de l’emploi mais on augmente la pauvreté, on toucher aux revenus des plus faibles. Nous revendiquons que tous les minimas sociaux soient élevés au-dessus du seuil de pauvreté européen qui est de 1 139 €.
En matière de santé, la gratuité du médecin généraliste bien entendu, mais aussi la mise en place en Belgique du modèle Kiwi pour le prix des médicaments. C’est quoi ? Mettre en concurrence les entreprises pharmaceutiques via la création d’une commission qui permet la commercialisation des médicaments obtenant le meilleur rapport qualité/prix. Cela fait baisser le prix des médicaments et allège le coût de la sécurité sociale. Les Pays-Bas s’inspirent de ce modèle et du coup, vous y payez la boite de Dafalgan moins d’un euro contre plus de 5 € en Belgique.

Le prix du logement, c’est aussi la conséquence de choix politiques. Jusque dans les années 1980’, on construisait plus de 1 000 logements sociaux par an. On est passé à moins de 100. La majorité PS-MR depuis 30 ans au pouvoir a fait ce choix politique. Il faut être cohérent entre le programme et les faits. Il faut massivement investir dans le logement social. On a tout laissé au privé sans aucune régulation. Nous avons proposé une grille contraignante pour le prix des loyers, la majorité l’a refusée.

On peut financer cela par la lutte contre les niches fiscales – les grosses multinationales ne payent quasiment pas d’impôts en Belgique – et par un impôt sur les grosses fortunes.

Ecolo, cdH et DéFI
La direction du débat et le temps de parole accordé à chacun a empêché Ecolo, Défi et le cdH d’expliciter plus avant leur position sur cette question. Ils se sont plus largement exprimés sur la migration et la qualité de l’environnement, ce qui avait été convenu lors de la préparation du débat. Nous renvoyons dès lors le lecteur à notre article « Politiques : quel(s) souci(s) du social-santé à Bruxelles ? »

L’on sait par ailleurs qu’en matière de lutte contre la pauvreté, la priorité des écologistes est l’individualisation des droits et l’augmentation des minimas sociaux.

Pour financer ces mesures, Ecolo défend la taxation des revenus globalisés, la lutte contre la fraude fiscale et un impôt de crise touchant les hauts revenus.

Les priorités du cdH :

  • Aligner les prestations minimales de sécurité sociale et l’aide sociale au niveau de vie digne (seuil de pauvreté) ;
  • Supprimer le statut de « cohabitant » dans l’octroi des prestations sociales ;
  • Poursuivre la politique de construction et de rénovation des logements sociaux, notamment pour réduire la facture d’électricité ou de chauffage ;
  • Instaurer un tarif social pour l’eau ;
  • Tendre vers une automatisation des droits sociaux pour limiter les démarches administratives et éviter la non utilisation des aides.
  • Soutenir le micro-crédit solidaire et les coopératives d’entraide.

Avec quels moyens ? En luttant plus efficacement contre la fraude fiscale.

Pour DéFI, la sécurité sociale doit être plus protectrice, mais sans ouvrir la porte aux abus :

  • Relever progressivement le montant minimal des allocations sociales de remplacement au niveau du seuil de pauvreté pour un isolé;
  • Ouvrir le droit à l’assurance chômage à tous les travailleurs, en ce compris les travailleurs indépendants;
  • Relever le montant minimal de la pension progressivement à 1.400 euros net par mois quel que soit le statut pour une carrière complète;
  • Exempter de ticket modérateur les personnes précarisées souffrant de maladies chroniques au-delà de 300 euros annuels de dépenses médicales.

Pour financer ces mesures, DéFI souhaite la taxation des revenus globalisés et une meilleure progressivité du calcul de l’impôt.

Qu’en retenir ?

Après avoir entendu les déclarations d’intention des différents protagonistes, il y a plusieurs points retenus comme essentiels par les citoyens présents :

  • Pour de meilleurs logements, il faut trouver une solution court-termiste permettant de réguler le prix des logements dans le privé; en parallèle, il leur semble important de construire davantage de logements sociaux ;
  • Au niveau de la santé, réduire le prix des médicaments et en finir avec les dépassements d’honoraires ;
  • Augmenter tous les revenus d’intégration à hauteur du seuil de pauvreté.

Et maintenant, place aux urnes … et le vote est secret.

Alain Willaert, CBCS ASBL (13/5/2019)

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