Santé mentale, assuétudes et Covid en RBC: ressenti des travailleurs de terrain

Résultat d’enquêtes menées auprès de professionnels des secteurs Assuétudes et Santé mentale concernant l’impact de la première vague de la crise COVID-19 sur leurs pratiques et leur santé mentale

Par la Coordination Assuétudes de la Plateforme bruxelloise pour la Santé Mentale, octobre 2020

Introduction

Quand l’option d’un re-confinement a été prononcée pour prévenir la rediffusion en masse de la COVID-19 parmi la population générale, la Plateforme de Concertation en Santé Mentale pour la Région de Bruxelles-Capitale terminait l’analyse des résultats d’enquêtes menées par la Coordination Assuétudes, auprès de professionnels (psychiatres, infirmier·ères, assistant·es social·es, etc…) des secteurs Santé mentale et Assuétudes (centres de jours, Initiatives d’Habitations Protégées, consultations spécialisées en assuétudes, etc…). Elle livre ici ses résultats.

Ces enquêtes d’opinion poursuivaient le double objectif d’étudier l’évolution des pratiques du personnel soignant prenant en charge une population d’adultes présentant des problèmes de santé mentale et/ou d’addictions et, de saisir les effets sur les soignants, en termes de santé mentale pendant et après la période de confinement (13 mars – 28 mai 2020) due au COVID-19 et ce pour le territoire de la Région de Bruxelles-Capitale.

215 professionnels ont répondu à l’enquête. 173 personnes se sont identifiées comme professionnels de la santé mentale et 42 comme professionnels du secteur des Assuétudes. Il y a 25% d’hommes parmi les répondants et 75% de femmes.

Ces enquêtes bruxelloises mettent en évidence les points suivants:

Synthèse des constats

1. Les professionnels interrogés ont globalement la perception que si le nombre de patients pris en charge a pour certains diminué durant le confinement, il a en revanche augmenté ensuite. Ainsi, 87% d’entre eux pensent que ce nombre a augmenté ou fortement augmenté entre mars 2020 et juillet 2020, date de clôture de l’enquête.

2. Les manifestations symptomatiques telles que les troubles anxieux, dépressifs et la surconsommation, dont l’alcool sont en nette augmentation. 65% des professionnels estiment que les symptômes anxieux ont augmenté chez les nouveaux patients et les patients connus des services, 43.7% pour les troubles dépressifs et 42.5% pour les addictions à l’alcool.

3. Les professionnels spécialisés en Assuétudes constatent également une hausse de la consommation de tabac, d’hypnotiques et de sédatifs (29%), de cocaïne (24%) et de cannabis et jeux en ligne (17%).

4. Du fait des contingences du confinement, tous les professionnels, n’étaient pas égaux face à cette crise, selon que leurs services soient restés ouverts ou que leurs contacts avec les usagers étaient en présentiel ou non. Certaines catégories de professionnels se sont senties plus stressées que d’autres. Sur une échelle décroissante, les éducateur.trice.s de rue apparaissent, dans cette crise comme proportionnellement plus stressé.e.s, suivent les psychologues, les infirmier.ère.s et les assistant.e.s sociaux et les psychiatres.

5. Les risques de complication liées au stress concernent en moyenne 1 professionnel sur 4 dans les équipes pour le burnout et 1 professionnel sur 4 également concernant le stress chronique.

6. Les principales causes de stress pour les professionnels, durant cette première période de confinement, sont liées à l’organisation et aux conditions d’exercice de leur métier (manque de matériel, support entre travailleurs, temps de repos, degré de proximité physique avec les usagers, .etc…).

7. Près d’un tiers (27%) des travailleurs interrogés et présentant des difficultés de stress, estime que leur direction n’en est pas consciente.

8. L’isolement des patients et le sentiment de l’augmentation de l’agressivité vis-à-vis des soignants, particulièrement dans les services résidentiels, peuvent être interprétées comme deux conséquences directes des effets délétères du confinement sur la santé mentale de tous et sur le surcroît de pression mis sur les services de soins et les professionnels.

Propositions et conclusion

Prendre soin en se donnant les moyens de préserver la santé mentale de la population bruxelloise, nécessite d’absorber l’augmentation et l’intensification des cas sans demander au personnel en place de se SUR-adapter.

Cela ne pourra se faire sans moyens supplémentaires permettant aux professionnels d’exercer leurs métiers dans des conditions suffisamment « confortables ». La qualité des soins en dépend directement.

De plus, en plein cœur d’une deuxième vague de contaminations, sachant que les professionnels de la santé mentale et des assuétudes sont, à nouveau, sollicités intensément; que logiquement, le risque de sur-adaptation ne va pas en décroissant, entraînant avec lui son lot de complications (absentéisme, maladies professionnelles, impact négatif sur les prises en charge) et que le nombre de patients a globalement significativement augmenté, il est essentiel de prendre une série de mesures, de crise, ponctuelles ou plus structurelles pour affronter les mois à venir.

Soutenir les conditions d’exercice des différentes fonctions des professionnels est déterminant pour leur permettre d’effectuer leur travail, avec une dose de stress qui reste acceptable et ce, pendant et après la crise du COVID-19. Les propositions sont les suivantes :

1. Une augmentation de la possibilité de recourir à un temps de récupération (temps de repos) des professionnels, leur permettre de s’appuyer suffisamment sur le collectif (intervision, supervision), sur d’autres professionnels (consultations psychologiques) et sur la hiérarchie (mesures de management : communication, soutien, etc…) ;

2. Un renforcement du personnel infirmier, psychologue, éducateurs de rue, a minima pendant la crise, (possibilité de remplacer quand congés maladie et adaptation de la gestion du personnel en ajoutant des engagements pour des contrats à durée déterminée et/ou en tant qu’indépendant complémentaire) ;

3. Une offre de service d’outreach et présentiel pour professionnels en difficultés (stress professionnel, burnout, épuisement professionnel, deuil et SSPT), viser certains types de professions en priorité, tels que les éducateurs.trices, les infirmier.ère.s et les psychologues pourraient s’avérer utile ;

4. Une information précise et détaillée concernant les complications liées au stress professionnel et leur détection ;

5. Une liste de professionnels spécialisés à disposition des professionnels de la santé mentale et des Assuétudes ;

6. Un accompagnement technique (offre de programmes de visioconférence, ressources de formations à disposition) et matériel (protection pour travailler en sécurité) ;

7. Un soutien ponctuel aux coordinations d’équipe ;

8. Un accompagnement indirect aux familles (congés corona, temps de récupération post vague, aide à domicile, chèque repas, livraisons à domicile, etc.)

9. Un accompagnement particulier au programme traitant l’alcool qu’il soit dans la prise en charge directe des patients en ambulatoire et résidentiels ou dans la formation de professionnels.

10. Un accompagnement et une disponibilité accrue pour les patients isolés ou ressentant un isolement. Par exemple, sous forme d’un accueil et dispatching téléphonique et présentiel.

11. Une possibilité de mise à l’abri renforcée notamment pour les situations de violences intrafamiliales et conjugales.

Il va de soi, et plus encore en temps de crise, que la cohérence et la concertation des mesures, des objectifs et des priorités entre les différents niveaux de pouvoirs est capitale pour le bien-être des professionnels et par là même pour la qualité de prise en charge des usagers, des bénéficiaires et des patients et ce, tant dans la logique que dans la communication.

De plus, il y a lieu de s’inquiéter directement de la santé mentale des patients qui s’adressent aux services et aux institutions interrogées, particulièrement concernant les troubles dépressifs, les troubles anxieux et une attention particulière devrait également être consacrée aux phénomènes de surconsommation et d’Addiction à l’Alcool ainsi qu’aux problèmes somatiques.

Enfin, last but not least, on connaît l’impact de la paupérisation sur la santé mentale en tant que l’un de ses déterminants. Le nombre de personnes fragilisées socialement va s’accroître dans les mois à venir, il y a lieu de prendre des mesures de crise concernant les droits sociaux de base: la mise à disposition de logements adaptés, les revenus d’aide aux personnes, de l’accès à l’alimentation, …

Résultat d’enquête menée en ligne auprès des usagers ou ex-usagers de services de santé mentale ambulatoires ou résidentiels


Par la coordination usagers et proches de la Plateforme bruxelloise pour la Santé Mentale, octobre 2020

Introduction

Cette enquête interrogeait les usagers sur leur ressenti quant au confinement et les difficultés qu’ils ont rencontrées durant cette période (stress, recrudescence de leurs symptômes, maintien des contacts sociaux avec le monde « extérieur », suivis médical et psychologique), ainsi que leurs attentes à l’heure du déconfinement.

Premier constat tiré des réponses collectées, la recrudescence des symptômes déclarée par les participants, était fortement liée à quatre facteurs : leur état psychologique durant cette période; la rupture des contacts avec leur famille et les institutions qu’ils fréquentaient habituellement ; la difficulté à maintenir un suivi médical, non seulement avec un psychiatre ou un médecin généraliste mais aussi avec un dentiste ou un kinésithérapeute ; enfin leur inquiétude face à leur situation financière et médicale à venir.

Deuxième constat: Trois fois plus de femmes (27%) que d’hommes ont déclaré avoir souffert de solitude. Certaines personnes ont répondu « avoir eu peur » et avoir vécu une « sensation d’abandon ».
En ce qui concerne les rapports sociaux des usagers concernés, la grande majorité d’entre eux n’ont eu aucuns, ou très peu de contacts personnels directs avec des associations, leurs amis ou leurs familles. La communication a toutefois été maintenue par téléphone, par mail ou encore par visiocommunication.

Les deux tiers des femmes (68%) ont décrit un niveau de stress qui s’est avéré être plus élevé que celui des hommes (55%).

Dans leur ensemble, les usagers ont considéré le fonctionnement des institutions de santé et de santé mentale comme plutôt bon et pour un quart d’entre eux, même très bon. À l’égard du personnel soignant, cette impression est encore plus positive.

Conclusion

Les principales difficultés rencontrées par les usagers étaient liées aux modifications de repères relationnels qui rythmaient leur quotidien. Quand le réseau personnel et professionnel reste relativement disponible, combiné à des ressources présentielles et virtuelles, s’il n’évacue pas la souffrance inhérente à la situation ambiante, il permet en partie de la canaliser. L’isolement est probablement la première source de dégâts psychiques de cette crise sanitaire.

Porter une attention particulière aux publics vivant seuls est fondamental dans un tel contexte. La création de maisons de liens, d’espaces communautaires et d’accompagnement psychosocial pour les usagers en santé mentale doit pouvoir atténuer les difficultés liées aux crises présentes ou à venir et la problématique de l’isolement.

Pour plus d’information sur les résultats de ces enquêtes, contactez :
Anne-Sophie De Macq, chargée de communication as.dm@pfcsm-opgg.be
GSM : 0489 730411

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