Ribaucare : mutualiser un lieu de vie pour quatre associations !

Boulevard Leopold II, à la limite des communes de Molenbeek et de Koekelberg, l’Espace Social Santé Ribaucare (CSSI) fêtait sa récente installation. Dans un même lieu, cinq services : la maison médicale CanalSanté, le Planning familial Leman, Le service de méditation de dettes Leman, le Centre d’Action Sociale Globale Solidarité Savoir et le Service d’accompagnement thérapeutique de toxicomanes Lama. Visite guidée des lieux et des liens qui se tissent entre services – et avec le quartier – pour renforcer les trajectoires d’accès aux soins ou à l’aide sociale.

Par Stéphanie Devlésaver, CBCS asbl, 7/11/2022

Au rez-de-chaussée, on délaisse sur notre gauche un espace commun de réunions et d’activités pour découvrir, sur notre droite, l’espace d’accueil commun aux trois structures, maison médicale, planning familial et Centre d’Action Sociale Globale. De petites tables basses, des crayons de couleurs et des dessins accrochés au mur indiquent le passage récent d’enfants. Mis à part des plantes vertes et quelques armoires entre les différents espaces d’attentes, le lieu reste ouvert sur le bureau d’accueil central. « C’était compliqué d’envisager de mêler le public toxicomane – très éclectiques, dont certains profils psychiatriques difficiles à gérer – à un public familial », explique le Lama, « ils sont les seuls à monter directement vers nos bureaux au 1er étage sans passer par l’accueil commun ».

Habiter ensemble : une affaire de compromis


On poursuit donc notre visite, un étage au-dessus. Sur le palier, un lama prêt à s’envoler nous indique qu’on est au bon endroit (voir photo). A gauche et à droite d’un étroit couloir, des espaces d’entretien avec vue sur un grand hangar… Qui demande encore à être chauffé et à être rendu plus lumineux ! C’est le futur accueil communautaire qui servira de zone d’attente pour les usagers du Lama. Ils pourront y accéder par la rue de la Montagne, située à l’arrière du bâtiment. Une fois rénové, « on pourra y préparer un repas, jouer aux cartes, boire un café, proposer des ateliers en partenariat avec des artistes, … », se réjouit Olivier Schellingen, le coordinateur du service. La plupart du temps, en consultation, les patients déposent ce qui ne va pas. Pour les travailleurs du Lama, un accueil communautaire permet de rencontrer les patients autrement, c’est aussi l’occasion qu’ils se découvrent des talents,… Et en attendant les travaux ?… « Même si on regrette les salles d’attente à chaque étage que nous avions dans notre précédent lieu de travail (rue Ransfort), on conserve néanmoins ici cet accueil direct, sans devoir sonner ou passer par un intermédiaire. Comme dans tout déménagement, on regrette certaines spécificités du lieu qu’on quitte pour en retrouver d’autres dans un nouvel environnement », résume le professionnel.

Décaler le moins possible l’offre et la demande, c’est ce qui est au centre de leur accompagnement –  » si on reporte au lendemain, on perd le patient » – et la force de cette cohabitation de services, c’est d’avoir la possibilité d’orienter directement vers le médecin, de démarrer un travail en co-consultation qui met le patient en confiance et permet d’assurer le suivi médical et social ». Avant, beaucoup de leurs patients ne consultait que le médecin du Lama. Or il ne suffisait pas à la demande. Et comme les collaborations entre services avaient déjà été amorcées bien avant l’emménagement – les travailleurs de chaque service ont réalisé des journées d’immersion dans une des autres structures pour comprendre et s’imprégner de la manière dont chacun travaille – la confiance s’est déjà bien installée, tant du côté des équipes que des usagers des services.

« Si on reporte au lendemain, on perd le patient. Ici, grâce à la présence des différents services dans un même bâtiment, on peut directement orienter vers le médecin, on peut aussi démarrer un travail en co-consultation qui met le patient en confiance et permet d’assurer le suivi médical et social. »

Olivier Schellingen, coordinateur du Lama

Dans la même logique, « si un patient rencontre un problème gynécologique, il n’a pas besoin de rendez-vous, il doit juste descendre au rez-de-chaussée, à la maison médicale. Un étage au-dessus, nous avons le service de médiation de dettes ». Ce second et dernier étage du bâtiment propose également des espaces communs de travail et de moments d’échanges pour les différents services : bureaux polyvalents, salles de réunions, service administratif, cuisine, …

Penser les espaces d’accueil – qu’ils soient communs, individuels, communautaires, … – est un incontournable dans ce type de mutualisation. Déjà en 2018, la réflexion faisait l’objet d’un groupe de travail pour trouver un accueil qui corresponde aux attentes et aux besoins de chacun. « L’accueil est un des enjeux essentiels qui cristallise les difficultés et les différences entre les partenaires du Centre Social Santé« , résumait Michaël Vaneeckhout, de Solidarité-Savoir, lors d’une interview pour le BIS n° 176. [1]. Un simple exemple : si certains services peuvent accueillir les personnes de toutes les communes bruxelloises, la maison médicale doit par contre respecter un périmètre bien précis, étant au forfait.

Essaimer des lieux de travail Social-Santé ?


Le but de cette cohabitation : « c’est d’être complémentaire, de coopérer, d’avoir ensemble, une valeur ajoutée. Et au quotidien, de petites choses se passent », témoigne Stéphane Heymans, membre du CA de Ribaucare. Il prend pour exemple cette famille ukrainienne qui fréquente un centre du SamuSocial et est venue pour des soucis médicaux. « Aujourd’hui, des aspects de santé sexuelle et reproductive ont pu être pris en charge par le planning familial, les enfants font partie des activités communautaires, … C’est un jeu de ping-pong positif entre les différents intervenants ! », se félicite-t-il. « On souhaite aussi que Ribaucare devienne un espace pour le quartier, un lieu de vie et de travail communautaire ». Dans cette optique, le Relais d’Action de quartier Molenbeek est présent : [2] pour faciliter notamment ce pas vers l’extérieur, aller à la rencontre d’autres institutions, etc.

Ce modèle se défend pourtant d’être LE modèle à suivre ! « C’est une idée parmi d’autres à dupliquer et qui invite à travailler autrement. Dans ce cas-ci, au départ de quatre associations, de quatre histoires, de quatre manières de faire ! », précise Stéphane Heymans, « Mais elle existe sous d’autres formes : Il y a le Centre Social Santé Intégré (CSSI) 1070 Goujons à Anderlecht, le CSSI spécifique pour usagers de drogues sortira de terre en 2026« .

Et pourquoi pas d’autres modèles à venir dans le cadre du futur Plan Social Santé Intégré et de ses bassins ? [3]

Si chacun adopte son mode de fonctionnement et ses spécificités, l’objectif général reste identique : « faire plus et mieux ensemble ! ». Mutualiser pour une meilleure qualité de travail et utiliser les expertises des uns et des autres pour pouvoir répondre aux multiples formes de vulnérabilités. Encore faut-il trouver des lieux adéquats à partager [4], des espaces de travail qui permettent d’innover, d’inventer, de collaborer sur le territoire bruxellois.

Et d’accepter de perdre d’un côté, pour y gagner de l’autre.

LIRE AUSSI : « Pour une coordination social santé à l’échelle des quartiers ? », CBCS, juin 2018

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