Regard bruxellois sur le dernier accord institutionnel

L’accord sur la sixième réforme de l’Etat intervenu le 11 octobre 2011, dans lequel sont intégrés des accords conclus précédemment sur la scission de la circonscription de Bruxelles-Hal-Vilvorde (14 septembre), la simplification intrabruxelloise (20 septembre) et la réforme de la loi spéciale de financement (20-24 septembre), met fin à la plus longue crise politique que la Belgique ait connue.


L’accord devra maintenant être transposé dans des lois spéciales et il comporte certaines imprécisions qui devront être tranchées à cette occasion. Il nécessitera, en outre, pour assurer l’efficacité de la gestion des différentes composantes de l’Etat belge (Autorité fédérale, communautés, régions), la signature d’un certain nombre d’accords de coopération entre celles-ci. Néanmoins, nous pouvons procéder à ce stade à un premier relevé de ses dispositions essentielles qui concernent la Région de Bruxelles-Capitale.

L’accord comprend des passages qui concernent spécifiquement la Région bruxelloise. Mais il est également intéressant de situer dans une perspective bruxelloise les transferts de compétences qu’il prévoit vers les entités fédérées.

Parmi les dispositions qui concernent spécifiquement Bruxelles, on y trouve l’octroi à la Région de Bruxelles-Capitale de l’autonomie constitutive, la création d’une communauté métropolitaine pour les relations entre Bruxelles et son hinterland, une simplification intrabruxelloise et le refinancement de Bruxelles.

L’autonomie constitutive, dont disposaient déjà les parlements flamand, wallon et de la Communauté française, permet au parlement d’une entité fédérée de déterminer lui-même des éléments essentiels relatifs à sa composition, son élection, son fonctionnement ainsi qu’au fonctionnement de son gouvernement. Signalons cependant que les garanties des néerlandophones et des francophones de Bruxelles (telles que la parité au gouvernement ou la représentation garantie) resteront du ressort du législateur fédéral. Il n’en reste pas moins que cet octroi de l’autonomie constitutive n’est pas sans portée symbolique dans la volonté des Bruxellois de faire reconnaître leur Région comme une région à part entière.

La décision, contenue dans l’accord, de créer par la loi spéciale une communauté métropolitaine qui aura pour mission d’organiser la concertation sur des sujets de compétence régionale et d’importance transrégionale se veut une réponse à la nécessité d’une plus grande cohérence entre les politiques bruxelloise, flamande et wallonne au niveau de l’hinterland bruxellois. L’efficacité de cet outil dépendra évidemment de la volonté politique qui sera mise en œuvre à son sujet de la part des différentes régions.

La simplification intrabruxelloise a été avancée par les partis flamands qui en faisaient une condition au refinancement de Bruxelles. L’exigence d’une rationalisation de la répartition des tâches entre les différents intervenants publics à Bruxelles, et plus particulièrement entre la Région et les communes, est exprimée par les partis flamands de Bruxelles depuis plusieurs années. Du côté francophone, on soupçonne certaines préoccupations communautaires dans la volonté flamande de régionaliser davantage de compétences aux dépens des communes, les Flamands ne disposant pas dans celles-ci des mêmes garanties de représentation politique. Toutefois, la question n’est pas seulement communautaire, certains secteurs de la société civile bruxelloise rejoignant l’approche flamande sur ce point. Il était donc prévisible que la simplification intrabruxelloise figure à l’agenda des négociations institutionnelles préparatoires à la sixième réforme de l’Etat. Le dossier fut confié à un groupe de travail constitué de mandataires politiques bruxellois, francophones et néerlandophones, appartenant à la majorité régionale ainsi qu’au MR et au SP.A. Le groupe accoucha d’un accord le 20 septembre 2011.

Cet accord porte sur des matières pour lesquelles la Région est compétente –urbanisme, logement, mobilité, stationnement, propreté- ainsi que sur des matières où la Région n’est pas encore compétente, pour lesquelles une modification de la loi spéciale de réformes institutionnelles devra intervenir à bref délai –sécurité, tourisme, formation professionnelle, infrastructures sportives, matières biculturelles d’intérêt régional. Les réformes sur lesquelles le groupe de travail s’est accordé doivent être traduites sous forme de textes qui seront notamment déposés au Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale au même moment que la loi spéciale de financement. L’imposition d’une telle simultanéité met en évidence le lien entre la simplification intrabruxelloise et le refinancement de Bruxelles dans l’accord institutionnel pour la sixième réforme de l’Etat. Signalons que l’accord intrabruxellois concerne notamment trois compétences qui ont été confiées aux communautés par la loi spéciale de réformes institutionnelles, alors qu’il aurait été plus rationnel de les gérer au niveau du territoire, et dont l’exercice a été confié à la Commission communautaire française suite à la réforme de l’Etat de 1993. Il s’agit des infrastructures sportives, de la formation professionnelle et du tourisme. Sans supprimer la compétence des communautés sur le territoire bruxellois dans ces matières, l’accord en octroie également la compétence à la Région de Bruxelles-Capitale. L’apport de ces compétences sera précieux à l’efficacité des politiques bruxelloises.

Le refinancement de Bruxelles était une revendication primordiale des partis francophones à la table des négociations. Cette revendication était partagée par le ministre libéral flamand du gouvernement bruxellois, Jean-Luc Vanraes. Le montant nécessaire de ce refinancement avait été estimé à 500 millions d’euros. Une étude des Facultés universitaires Saint-Louis a évalué le besoin de refinancement à plus de 700 millions en 2010.
L’accord prévoit un refinancement qui atteindra 461 millions en 2015 dont 50% seront affectés. Au-delà de 2015, le refinancement de la Région de Bruxelles-Capitale (à l’exclusion des pouvoirs locaux et des commissions communautaires) sera organisé afin de ne pas dépasser 0,1% du PIB. Un premier volet, dont le total s’élèvera à 258 millions en 2015, concerne des moyens affectés (sécurité, primes linguistiques, mobilité, dotation vers la COCOF et la VGC) et un complément de compensation pour la maimorte non affecté. Un second volet, qui atteindra 203 millions en 2015 concerne les navetteurs et les fonctionnaires internationaux.

Par ailleurs, le transfert d’un certain nombre de compétences vers les communautés et les régions est prévu dans l’accord. Des compétences aujourd’hui fédérales en matière de soins de santé, d’aide aux personnes ainsi que les allocations familiales sont communautarisées. Dans la mesure où ces compétences impliquent, pour les personnes, des obligations ou des droits à une intervention ou une allocation, ou lorsqu’il s’agit d’institutions bicommunautaires, l’autorité compétente en Région de Bruxelles-Capitale sera la Commission communautaire commune. Les institutions communautaires, y compris la Commission communautaire commune, sont également concernées par certains transferts en matière de justice. Les régions, quant à elles, se voient confiées de nouvelles compétences principalement en matière d’emploi, de mobilité, d’économie et de politique industrielle, d’environnement et d’énergie. Les interventions du pouvoir fédéral en matière de politique des grandes villes sont transférées vers les régions et les communautés.

Les enveloppes financières émanant de l’échelon fédéral qui accompagnent ces transferts seront réparties entre les entités fédérées concernées selon une clé de répartition différente selon qu’il s’agisse de compétences régionales ou communautaires. Pour les régions, la répartition des moyens de financement se fondera sur une clé de répartition fiscale (par le biais de l’autonomie fiscale ou de dotations réparties selon une clé fiscale). Pour les communautés, cette répartition tiendra compte des besoins. Par exemple, les moyens liés au transfert de compétences en matière d’emploi seront partagés entre les régions en fonction de leur contribution à l’impôt des personnes physiques, alors que les moyens liés à la santé seront attribués selon des clés démographiques.
Pour chacune des compétences transférées, le personnel et les moyens associés (fonctionnement, bâtiments) qui devront être transférés seront déterminés.

Précisons qu’en matière de santé, les transferts de compétences concernent principalement les personnes âgées, ce qui est soutien aux soins et la prévention. Ce qui relève de la relation particulière entre le prestataire de soins et le patient reste par contre de compétence fédérale. Signalons encore que pour certaines des matières de santé transférées , des imprécisions subsistent quant au fait de savoir s’il s’agira d’aides directes aux personnes – ce qui impliquerait leur transfert à la Commission communautaire commune- ou d’aide obtenue via un service ou une institution – ce qui impliquerait une appartenance communautaire et donc, notamment, l’intervention de la Commission communautaire française.

Jean-Paul Nassaux, Collaborateur scientifique du CRISP, pour le CBCS, 25/1/12

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