Quels rapports entre les pouvoirs publics et les associations subventionnées ?

Lors de la séance plénière du 27 janvier 2023, le Collectif21 [1] présentait ces dernières réflexions autour de l’Histoire de l’associatif, son économie, les rôles des différentes associations, devant les députés du Parlement Francophone Bruxellois.

Interpellation du Collectif21 au Parlement Francophone Bruxellois, 27/01/2023Illustration : Prisca Jourdain

Historiquement, dès l’après seconde guerre mondiale, le monde associatif a été considéré comme une composante indispensable de la vitalité de notre modèle démocratique. L’État délègue encore très largement aux associations des missions d’intérêt général, dans des domaines variés, qui comprennent entre autres le social, la santé, l’éducation permanente et la culture.

Quelles évolutions aujourd’hui ?

Deux grands courants idéologiques s’opposent lorsqu’il s’agit de penser, puis de structurer, les rapports entre l’associatif et le pouvoir public. On trouve dans un camp celles et ceux qui estiment qu’il est de la responsabilité des seuls mandataires politiques de prendre les décisions et de les faire appliquer par un associatif, considéré comme sous-traitant, là où les opérateurs publics ne peuvent entièrement s’en charger. À l’opposé, un courant légitimise l’associatif comme principal acteur de la mise en œuvre des politiques publiques dans un certain nombre de domaines d’activités, les opérateurs publics n’intervenant que là où l’associatif n’occupe pas le terrain.

Ces deux conceptions sont présentes au sein même de chaque parti politique, si bien que la qualité des rapports entre pouvoir public et associatif peut varier d’une législature à l’autre, suivant la coalition qui se met en place après les élections et les convictions personnelles de chaque ministre dans ses compétences. Chaque début de législature, les cadres associatifs sont donc amenés à rencontrer leur(s) ministre(s) de tutelle et s’interroger sur le mode de relation qui va s’instaurer pour les 4 ou 5 ans à venir. Ce n’est pas sans conséquence sur la sérénité, la continuité, voire la pérennité, de l’action associative. Pire encore, on trouve des mandataires politiques, secondés par quelques acteurs économiques, qui rêvent de ne plus devoir composer avec les corps intermédiaires et de gouverner en s’adressant directement à chaque individu.

Plusieurs dangers menacent aujourd’hui l’associationnisme et la place centrale qu’occupent les corps intermédiaires dans le fonctionnement démocratique de notre société.

Le premier est la tentation illibérale. Pour faire bref, une démocratie illibérale est dirigée par un pouvoir fort, élu du peuple, mais qui, pour gouverner comme il l’entend, rend poreuse la séparation des pouvoirs et réduit le dialogue entre pouvoir politique et société civile organisée. [2]

Le deuxième danger est la négation de la spécificité associative et sa dissolution dans le libéralisme économique. La mise au rebut de la Loi de 1921 sur les ASBL, AISBL et Fondations et l’intégration de celles-ci dans le Code des sociétés a non seulement une portée symbolique – l’association ne se distingue plus de la société commerciale que par l’affectation des recettes – mais présage d’une mise en concurrence directe avec le secteur marchand dans la mise en œuvre des politiques publiques, notamment via les appels d’offre.

Le troisième danger est le plus palpable dans la gestion quotidienne des associations : l’inflation administrative à laquelle elles sont soumises [3]

Afin de concilier l’autonomie associative et le besoin de contrôle légitime des pouvoirs publics, le Collectif21 propose d’établir un cadre clair et commun entre associatif et pouvoirs publics, pour mettre en place une coopération sereine. M. Geoffroy Carly, directeur des Centres d’entraînement aux méthodes d’éducation active (CEMÉA Belgique) et membre du Collectif21, demandait aux autorités politiques de déterminer un cadre contenant, mais pas contraignant. L’idée étant de libérer les initiatives associatives, pour remplir leurs missions de manière plus souple. Pour cela, diverses pistes sont envisagées :

  • Reconnaître le poly-subventionnement des structures, afin de l’appréhender comme une complémentarité entre différentes sphères d’actions associatives
  • Rendre compte de manière quantitative des missions associatives est important, mais volonté d’amener de la consistance via une lecture analytique, lors d’évaluation des pratiques
  • Raffermir la frontière entre le marchand et le non-marchand qui poursuivent des buts différents. Ce flou déssert l’associatif et le menace.

Les appels à projets sont devenus, de plus en plus, la norme. Cette normalisation des pratiques est une forme de contrôle inintéressante, avec un timing très conjoncturel, alors même que l’associatif répond souvent à des besoins structurels.

« Il est primordial d’appréhender le fait associatif comme un investissement plutôt qu’un coût »

Geoffroy Carly, directeur de CEMÉA Belgique

Sur le long terme, le Collectif 21 souhaite renforcer le dialogue avec les pouvoirs publics via des partenariats. Il demande aux autorités d’accepter le caractère critique des associations, puisque celle-ci s’inscrit dans une perspective de transformation et d’amélioration. Concernant le statut associatif européen, le secteur aimerait que les entités fédérées parviennent à se mettre d’accord sur le niveau de pouvoir qui va suivre ce dossier et sa mise en œuvre, plutôt que de se renvoyer la balle.

Enfin, les membres du Collectif ont exprimé leur volonté de créer une structure (OLA), l’Observatoire des Libertés Associatives qui permettrait de rendre compte du fait associatif et de sa pertinence démocratique, des coûts et des problématiques auxquels il doit faire face. Cet observatoire serait l’occasion d’amener un regard tiers, décalé, objectivant pour remettre l’association là où elle doit se situer, c’est-à-dire comme un maillon entre les citoyens et les autorités publiques et dans des actions que les associations peuvent mener, c’est-à-dire dans des missions d’intérêt général.

Revoir la séance plénière du 27 janvier 2023

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