Rencontre entre madame Agathe et madame Fremault

« Ceci n’est pas une fiction »… Mme Agathe a 37 ans, elle souffre du dos, elle a 3 enfants, dont 1 en bas âge, et est mère isolée. Elle a travaillé 16 ans comme technicienne de surface, a passé 2 ans sous mutuelle, en est exclue suite à l’avis du médecin conseil. Elle revient alors sur le marché de l’emploi. Inscrite à l’ONEM, elle est sanctionnée 6 mois plus tard, après avoir refusé un emploi à mi-temps…

« Quand la première ligne devient la dernière »…

madame_agathe.jpgCela fait à présent deux mois que Mme Agathe n’a plus de revenu et ne peut payer le loyer de son logement insalubre. Elle ne trouve pas de place dans une crèche pour son enfant. Elle décide de s’informer de ses droits auprès d’un assistant social d’un service généraliste.

C’est sur cette histoire que débute la troisième rencontre irisée, le 10 juin 2015, à PointCulture Botanique : un face à face entre Agathe et madame la ministre Céline Fremault (cdH). D’un côté, cette usagère en situation précaire dont le public suit, le temps d’une mise en scène [1], son parcours du combattant : CPAS, société de logement social, crèche, autant de portes qui s’ouvrent pour se refermer aussitôt, sans solution. De l’autre, une ministre aux multiples casquettes : action sociale et personne handicapée à la Cocof, action sociale, lutte contre la pauvreté et personne handicapée à la Cocom. Mais aussi ministre du logement, de l’environnement et de l’énergie à la région. Et pourtant. A la question désespérée de madame Agathe, en fin de périple : « qu’est-ce qu’on fait maintenant ? », la ministre tiendra à préciser … que la problématique des crèches ne fait pas partie de ses compétences ! Comme quoi, pas si sûr que la multiplicité de matières aux mains d’une même ministre soit automatiquement propice à plus de transversalité et de vision politique globale.

Comme en écho à cette histoire, Jacques Moriau, chargé de recherches au CBCS, souligne combien les politiques actuelles s’inscrivent davantage dans « la production d’un espace idéologique qui tend à individualiser, stigmatiser les personnes en difficulté, comme si elles étaient seules responsables des problèmes qu’elles rencontrent. Face à une tendance générale à la limitation des droits, à l’activation et à la contractualisation de l’aide, la guerre faite à la pauvreté deviendrait-elle une guerre faite aux pauvres ?« , s’interroge-t-il.

La ministre tentera de démontrer qu’il n’en est rien, dans un style affable et concentré sur une programmation technique et souvent à court ou moyen terme.

Si elle proclame bien la nécessité de décloisonner les politiques de logement et d’action sociale, les perspectives concrètes sont maigres : accès direct au logement dans le secteur du sans-abrisme, réforme AIS, plaide pour la mise en place d’une allocation-loyer (offrir un complément de loyer quand droit à un logements social), travail de modification aux conditions d’accès au fond du logement pour des plus jeunes ménages, mise en place d’un groupe de travail logement-handicap depuis janvier 2015 pour développer les synergies possibles entre les différents acteurs (SLRB, fond du logement, agences immobilières sociales,…). Bref, « en logement, pas de solution miracle, mais de faisceaux sur lesquels travailler simultanément », déclare-t-elle.

Concernant la mise en place de réseaux, au-delà des deux existants actuellement – à savoir « Mariages et Migrations » et « Concertation Aide Alimentaire » – la ministre envisage un troisième pour 2015 : un réseau Pauvreté, piloté par le Forum Bruxellois de Lutte contre La Pauvreté. Objectif : tisser des liens entre différentes associations du secteur. La ministre Cécile Jodogne (santé, Cocom) travaillant sur un nouveau réseau volet « santé »( lié à la CAA), une rencontre sur ce point est prochainement prévue entre les 2 ministres. Et ce, afin d’envisager des réseaux plus marqués social-santé à l’avenir ?…

A la question d’un éventuel refinancement du secteur du surendettement, la réponse a le mérite d’être claire, c’est « oui, le surendettement étant à la fois la cause et la conséquence de la paupérisation de la population ».

Sans-abrisme : un plan intégré en 3 priorités

Enfin, concernant le sans-abrisme et la question d’une coordination générale de la problématique, la ministre estime que, pendant des années, Bruxelles s’est occupée de l’accueil provisoire d’urgence des personnes sans-abri et de leur survie. « Travail indispensable, mais qui ne contribue pas à la diminution du phénomène ». Aujourd’hui, tentatives d’apporter des réponses plus structurées et à long terme dans le cadre d’un plan intégré de lutte contre le sans-abrisme sont à l’ordre du jour. Exemple : pour les femmes en errance, achat d’un bâtiment à Schaerbeek pour les familles (70 places) avec un dispositif structurant.

Au-delà de cet exemple spécifique, la ministre, en compagnie de son collègue Pascal Smet (Aide aux personnes, Cocom), visitent des projets à l’étranger (Grande-Bretagne, Pays-Bas) et s’en inspirent pour définir leurs priorités :
1) base de données centralisées pour identifier les parcours des personnes ;
2) Orientation des personnes dans un parcours d’inclusion le plus adapté;
3) Accès au logement : faire lien entre structures d’accueil et une offre de logement durable.

Ils comptent avancer sur des propositions concrètes durant cet été 2015.

En réaction, la directrice de l’AMA partage les inquiétudes du secteur concernant cette base de données centralisées avec l’idée d’un guichet unique… Or, selon elle, la diversité du secteur est aussi une richesse, une capacité de s’adapter, de réagir. Et rappelle également la situation de saturation de l’ensemble des dispositifs actuels : « Vers où réorienter les personnes dans ces conditions ? », se demande-t-elle. « D’où, la nécessité de travailler sur l’accès au logement », lui rétorque la ministre.

La boucle est bouclée. En mots et sur papier, en tout cas. A voir si, dans la vraie vie, Agathe trouvera réponse à sa question : « et qu’est-ce qu’on fait maintenant ? »…

Stéphanie Devlésaver, CBCS asbl (25/06/2015).

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